Monsieur le Ministre,
La France a décidé de suspendre
jusqu’à la fin de l’année l’importation de cerises traitées au diméthoate, un
insecticide qui protège les fruits contre un moucheron, le drosophile suzukii.
La France, l’Italie et l’Espagne ont interdit l’utilisation de ce pesticide,
mais pas la Belgique. Le Ministre français de l’Agriculture a ainsi déclaré
vouloir protéger les consommateurs français face au risque sanitaire provoqué
par ce produit.
Nos producteurs de cerises
risquent donc bien de se retrouver avec leurs cerises sur les bras,
puisqu’environ 40% de la production belge de cerises partaient jusqu’ici en
France.
Monsieur le Ministre :
-
Avez-vous pris connaissance de cette décision de
la France ?
-
L’Institut belge de Santé publique arrive-t-il
aux mêmes conclusions que la France sur le potentiel risque présenté par le
diméthoate ?
-
Quelles sont les conséquences du déclenchement
de la clause de sauvegarde de la France vis-à-vis des cerises traitées au
diméthoate pour nos producteurs de cerises ?
-
Depuis quand cette clause de sauvegarde est-elle
effective ?
Je vous remercie.
REPONSE du Ministre Borsus en Commission
Santé publique – 1 juin 2016
Willy Borsus, ministre: Madame la présidente, madame Cassart, la
décision française concernant les cerises traitées au diméthoate revêt deux
aspects. Tout d'abord, l'interdiction de l'usage du diméthoate sur les cerises
cultivées en France, d'une part. Il s'agit d'une restriction de l'autorisation
nationale de ce produit phytopharmaceutique, qui est déjà d'application en
France depuis début 016. D'autre part, il y a une interdiction de l'importation
de cerises provenant de pays où le diméthoate est autorisé.
La France avait initialement
demandé d'interdire au niveau européen l'importation de cerises traitées, mais
elle n'a pas été soutenue par la Commission européenne, ni d'ailleurs par la
plupart des autres États membres. Elle a donc pris une mesure nationale
d'interdiction d'importation de cerises le 21 avril, sans délai de transition
et jusqu'au 31 décembre 2016.
Pour ces deux mesures, la
législation européenne en vigueur prévoit qu'elles doivent être notifiées au
niveau européen. J'ai donc été mis au courant de ces mesures françaises et ai
immédiatement demandé une évaluation à mon administration, compte tenu
notamment de l'impact pour nos fruiticulteurs.
Le Comité d'agréation des
pesticides à usage agricole, au sein duquel sont notamment représentés
l'Institut scientifique belge de Santé publique et les Régions, a ainsi évalué
toutes les données disponibles.
Ce comité a conclu que le risque
était très limité. Cela s'explique notamment par la différence de situation
entre la Belgique et la France. En effet, les conditions d'utilisation de cette
substance sont plus strictes chez nous, avec notamment un délai minimum de
vingt-huit jours entre la dernière pulvérisation et la récolte, alors qu'en
France, il est de quatorze jours. C'est ce qui explique en grande partie les
risques de résidus sur les fruits, plus critiques en France qu'en Belgique,
puisque le délai est beaucoup plus bref chez nos voisins. Les trente-six
échantillons de cerise contrôlés par l'AFSCA en 2014 et 2015 sur le marché
belge étaient, au demeurant, tous conformes en termes de respect de la limite maximale
des résidus. Croyez bien que, si cela n'avait pas été le cas, j'aurais
immédiatement réagi.
Néanmoins, comme vous l'avez dit,
40 % de nos cerises filent en France. Notre collègue a déjà évoqué les
problèmes que connaissent nos producteurs. La décision française sème le doute
et crée des difficultés. J'ai alors demandé à mon administration de défendre à
l'échelle européenne une réévaluation urgente des limites maximales des résidus
de cette substance. Cette requête a été acceptée. Son exécution est en cours.
Par ailleurs, nous avons décidé
par précaution, que l'autorisation d'utilisation de ce produit au niveau belge
devait être suspendue en attendant cette révision des limites maximales de
résidus européens. Bien évidemment, j'ai pris cette décision après avoir
consulté les secteurs concernés.
En définitive, l'objectif était
de gérer au mieux la situation très rapidement, de répondre aux préoccupations
françaises et de laisser à l'Europe le temps de prendre une décision et, le cas
échéant, de se livrer à une analyse complémentaire. Les détenteurs
d'autorisation ont renoncé à l'usage du diméthoate afin de permettre
l'exportation des cerises belges. Les autorités françaises ont confirmé
entre-temps que celles-ci pouvaient, dès lors, continuer à être exportées en
France. Il n'y a donc pas de conséquences pour nos producteurs de cerises.
Bref, concertations
(concertations avec le secteur, analyses scientifiques, démarches au niveau de
l'Union européenne) et pragmatisme. En fonction du principe de précaution, on a
demandé à l'Union européenne des analyses complémentaires mais pragmatisme
puisque, en concertation avec les producteurs, nous avons renoncé actuellement
à l'usage de ce produit. On doit à la vérité de dire qu'il y a des produits
pour lesquels il y a peu d'alternatives ou peu d'alternatives praticables et il
y a des produits pour lesquels il y a des alternatives praticables. Il semble –
je ne suis pas un spécialiste des cerises – qu'en l'espèce, il y avait des
alternatives praticables. C'est ce que nous ont indiqué les représentants du
secteur. Voilà l'histoire de la lutte contre la drosophile suzukii qui ne
s'attendait pas à être cité en cette commission ce matin à Bruxelles.
La présidente: Le diméthoate non
plus!
Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le ministre, je vous
remercie pour le caractère tout à fait complet de votre réponse. Je suis
contente qu'un dénouement ait pu voir le jour mais, comme vous l'avez dit, ce
dénouement est le fruit d'une concertation, d'une analyse scientifique en vue de
trouver des solutions. Vous avez donné la possibilité à nos producteurs de
s'exprimer et de trouver des solutions de concert avec vous. C'est vraiment un
win-win. Comme nous l'avons déjà vu dans d'autres secteurs, ne pas pouvoir
exporter les cerises est évidemment malvenu, pour ne pas dire une catastrophe
pour les producteurs. Je n'ai peut-être pas le bon terme mais le fait d'avoir
trouvé une solution dans la concertation, en s'appuyant sur une analyse
scientifique et ce, avec l'aide de l'AFSCA me paraît tout à fait être une
solution superbe et je vous en remercie.
Willy Borsus, ministre: Voyez-vous comme, quelques fois,
l'apparence est trompeuse. Si on lit, on se dit: "Tiens, on autorise un
produit en Belgique et pas en France." A priori, on pourrait se dire que
ce n'est pas normal. Mais si on voit: 28 jours, 14 jours, c'est un élément qui
change évidemment tout, comme pour d'autres pesticides, biocides, fongicides,
etc. J'attire l'attention sur ce fait.
Caroline Cassart-Mailleux (MR): On peut avoir une opinion mais on
ne connaît pas le fond.
Willy Borsus, ministre: (…) Ça c'est très facile On fait une grande déclaration sur quelque
chose. Mais avoir une analyse avec les secteurs, scientifiquement, ne pas tuer
le secteur, veiller au principe de précaution, c'est évidemment un travail
d'une autre nature et c'est celui-là qu'il faut faire.
Caroline Cassart-Mailleux (MR): Il faudrait maintenant ordonner que
l'Union européenne puisse se positionner. Nous avons trouvé une solution pour
2016, pour nos producteurs, pour l'exportation, en concertation. Je pense que
cela va vraiment dans la bonne direction, même s'il reste un travail à faire
pour 2017. Vous avez tout à fait raison; trop de fois, on prend une position
sans connaître le fond et le dossier dans les détails. La preuve en est, les 14
ou 28 jours, c'est évidemment une position qui doit être tout à fait
différente.
La présidente: Cela permet aussi d'attirer l'attention sur la
nécessité et l'intérêt qu'il y a à chercher des alternatives et l'intérêt qu'il
y a parfois aussi à changer des pratiques avec un même produit plutôt que de
croire que l'on ne peut jamais faire autrement.
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