Monsieur le Ministre,
Le secteur laitier ne se porte
pas bien. Les causes en sont multiples : l’embargo russe, la fin des
quotas, et la baisse générale des prix du lait dans le monde. Aujourd’hui, pour
un litre de lait produit, le producteur ne reçoit que 18 à 28 centimes d’euros
en moyenne au sein de l’Union européenne. C’est peu. C’est certainement trop
peu quand il s’agit de rentabiliser des investissements et de tenter de se
réserver un revenu correct.
Le 27 juin prochain, un Conseil
européen de l’Agriculture se tiendra afin de définir de nouvelles mesures d’aide
au secteur laitier. Aujourd’hui, les plafonds de l’intervention publique sont
atteints. Pourtant, il semblerait que seulement 56% des 420 millions octroyés
en septembre dernier aux Etats aient été dépensés.
Depuis mars, un dispositif permet
de réduire volontairement la production de lait, c’est l’article 222. Il permet
aux producteurs de lait de déroger temporairement aux règles de la concurrence
en limitant leur production pour une période donnée. Malgré cela, la production
au sein de l’UE ne cesse d’augmenter.
Monsieur le Ministre :
-
En quoi consiste précisément l’article 222 du
règlement européen sur l’organisation commune des marchés des produits
agricoles?
-
Pourquoi l’activation de l’article 222 précité
ne semble pas aussi efficace qu’escompté ?
-
Quelles sont les lignes que vous allez défendre
le 27 juin prochain pour remédier à cette crise du secteur laitier ?
Je vous remercie.
REPONSE du 15 mai 2016
Mesdames les Députées,
Vous rappelez à juste titre la
situation intenable dans laquelle se trouvent les éleveurs laitiers. En cause,
principalement, une asymétrie entre l’offre et la demande qui depuis de
nombreux mois maintenant tire les prix vers le bas et installe une compétition
douloureuse entre les acteurs de la filière. Pour le premier trimestre 2016, la
production européenne a déjà augmenté de 7.2 % par rapport au premier trimestre
2015. Par exemple, l’augmentation pour le lait de vache collecté a été de 32.8%
en Irlande, de 21.3% en Belgique, de 22.7% au Luxembourg et de 9.8% en Pologne
si on compare les chiffres de janvier-mars 2015 et ceux de janvier-mars 2016.
Lors du Conseil européen du 17
mai dernier, le Commissaire a conclu qu’il était pour lui difficile à ce stade
de demander une nouvelle aide de trésorerie car seulement 56 % de l’enveloppe
des 420 M d’euros, octroyée en septembre 2015 aux Etats membres, a été
dépensée. Le Commissaire a même souligné que certains Etat membres n’avaient
pas encore dépensé 1 euro de leur enveloppe !
D’autre part, le volume de
218.000 tonnes à l’intervention de poudre de lait écrémé a été atteint le 24
mai dernier. Pour rappel ce volume avait été doublé par le Commissaire Hogan en
avril dernier. En réponse, la Commission a décidé le 26 mai d’étendre la
capacité à l’intervention jusqu’à 350.000 tonnes. Cet outil, comme je l’ai déjà
répété, n’est pas une solution !
Je l’ai déjà affirmé à plusieurs
reprises, seule une réponse européenne est à même d’apporter des solutions
concrètes à la surproduction que connaît le secteur laitier. C’est pourquoi
j’avais fortement appuyé le recours à l’article 222 de l’OCM qui est
aujourd’hui, comme vous le savez, au centre de tous les débats.
L’objectif de ce dispositif est
de permettre aux organisations de producteurs et aux coopératives de s’entendre
pour aboutir à une baisse de la production, sur base temporaire et volontaire.
Cette baisse doit bien entendu pouvoir donner lieu à des mesures incitatives
par l’octroi d’un budget compensatoire aux producteurs ayant joué le jeu. Dans
ce sens, la Commission avait décidé de laisser plus de liberté aux Etats
membres, via l’octroi d’une possibilité d’aides d’Etat échelonnées à 15 000 €
par an pour chaque producteur. Concernant l’utilisation de cette mesure, je
vous renvoie vers les Régions, compétentes en la matière.
La situation est à ce point
critique que j’ai demandé, de concert avec mon collègue français Stéphane Le
Foll, l’organisation d’une réunion spécifique sur ce thème de la Commission à
l’Agriculture du Parlement Européen.
Cette réunion s’est tenue le 25 mai dernier. Lors de cette réunion,
plusieurs acteurs importants du monde laitier ont été auditionnés dont
notamment le COPA, le COGECA, l’EDA (Association Laitière Européenne), l’EMB
(European Milk Board) et Via Compezina.
A l’image de la position des Etats Membres, les différents acteurs et la
Commission ont des visions divergentes quant à l’utilisation de l’article 222
avec des compensations européennes. Le représentant de la Commission a
d’ailleurs conclu en soulignant que la balle était désormais dans le camp des producteurs.
Je ne partage pas entièrement cet
avis, et je suis satisfait que la plupart des parlementaires présents me
suivent sur ce point. Effectivement, les
producteurs doivent s’organiser pour pouvoir, à terme, opérer une véritable
baisse de la production. Néanmoins, les plus volontaires parmi les producteurs
ne doivent pas être, en consentant à l’effort, les dindons de la farce. La
diminution qui s’opère ici ne doit pas en effet représenter un effet d’aubaine
pour d’autres Etats membre de l’Union européenne.
De la même manière, il nous
serait difficile d’affirmer que la Belgique, seule, pourrait par une baisse de
sa production de 2 à 3% par exemple, atténuer l’asymétrie entre l’offre et la
demande, qui je le rappelle est d’ampleur mondiale.
Par conséquent, je pense que
cette mesure d’appel à l’article 222 de l’OCM n’est pas en mesure de délivrer
tout son potentiel tant qu’elle s’articulera sur une base volontaire sans
compensations européennes pour les producteurs consentant à l’effort. Je suis
convaincu que la diminution de la
production à l’échelle européenne est la seule solution afin d’offrir un prix
rémunérateur aux producteurs.
Le prochain conseil sur
l’évolution du marché se tiendra le 27 et 28 juin à Luxembourg. Il est
primordial que la Commission revienne avec de nouvelles solutions sur la table
qui, cette fois, doivent avoir un impact significatif sur le marché.
Le 09 juin dernier, l’axe de
coopération nommé le Triangle de Weimar qui rassemble la France, la Pologne et
l’Allemagne se sont rencontrés en Pologne. Les 3 pays ont convenu de la
nécessité de mettre en place une incitation financière européenne pour
encourager la réduction volontaire de la production laitière. La nouvelle position de l’Allemagne et de la
Pologne est évidemment une bonne nouvelle et tend vers la position belge
exprimée pour la première fois en septembre 2015. Par ailleurs, le COPA s’est également
positionné en faveur d’une gestion de la production.
En ce qui concerne le plan de
soutien national allemand de 100 millions d’euros annoncé par mon collègue
Christian Schmidt, je ne dispose pas à ce stade d’informations détaillées quant
aux mesures qui seront implémentées. Toutefois, je reste évidemment très
attentif au mécanisme qui sera utilisé. Selon moi, une aide à la trésorerie n’est pas une
solution à long terme. Ainsi, seule une régulation de la production au niveau
européen permettra d’inverser la courbe abyssale de la chute du prix du lait.
Au niveau fédéral, je continuerai
à appuyer les dossiers en vue de lever les barrières sanitaires de pays tiers
et permettre ainsi à notre secteur agroalimentaire de trouver de nouveaux
débouchés.
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