Madame la Secrétaire d’Etat,
Ces derniers mois, la station
polaire Princesse Elisabeth, dont vous reconnaissez régulièrement l’importance
pour la recherche scientifique et le rayonnement international de la Belgique,
fait régulièrement la une de l’actualité du fait d’un litige opposant M. Alain
Hubert, de la Fondation polaire internationale (IPF), et BELSPO.
Il y a d’abord eu, l’année
dernière, un rapport de l’inspection des Finances qui épinglait des
manipulations budgétaires dans le chef de l’IPF. Ensuite, vous avez décidé
d’organiser la campagne polaire l’hiver dernier, décision contre laquelle M.
Hubert a protesté devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Ce
dernier vous a cependant donné raison, en interdisant à M. Hubert de se rendre
à la Station polaire Princesse Elisabeth.
En septembre, le Conseil d’Etat a
cependant donné raison à la Fondation polaire Internationale en suspendant
l'Arrêté Royal sur les règles de gestion du Secrétariat polaire. Vous avez
alors déclaré ne pas vouloir vous y conformer afin de ne pas entraver la
mission belge qui allait commencer quelques semaines plus tard.
Le 27 octobre dernier, Le Conseil
d’Etat a cependant suspendu l’exécution de la mission de maintenance de la
Station polaire Princesse Elisabeth. Ainsi, alors que nos militaires étaient en
route pour l’Antarctique, ils se sont retrouvés bloqués au Cap, ne pouvant
mettre pied sur la banquise. Cette décision du Conseil d’Etat a été rendue
suite à l’introduction d’un recours par la Fondation polaire internationale.
Madame la Secrétaire d’Etat,
-
Pouvez-vous faire le point avec nous en ce qui
concerne la situation juridique de la station polaire ?
-
Quelles sont les conséquences de la suspension,
par le Conseil d’Etat, de l’arrêté royal écartant la fondation polaire
internationale et son président de la gestion du site ?
-
La campagne 2016-2017 est-elle menacée ?
-
Quelles sont les différentes options
actuellement à l’examen afin de pallier cette situation ?
-
Où en est-on dans la définition des droits et
devoirs de chacun, à savoir l’Etat belge d’un côté et la Fondation polaire
internationale de l’autre ?
Je vous remercie.
Réponse de Elke Sleurs à la
question n° 14870 de Caroline Cassart-Mailleux:
Monsieur le président, je suis
heureuse de l'occasion que vous me donnez d'entrer plus en détails dans la
problématique actuelle de la station polaire Princesse Elisabeth en
Antarctique.
À partir des questions que j'ai
reçues après le récent arrêt du Conseil d'État, je ne peux que conclure que
vous avez bien lu les journaux sans, cependant, avoir le temps de vous plonger
dans la complexité du dossier. Je ne peux être d'accord avec les insinuations
contre ma politique et ma personne, telles que publiées récemment dans les
médias et reprises littéralement par certains d'entre vous.
Avec votre permission, monsieur
le président, je voudrais faire un récapitulatif chronologique et succinct des
faits qui ont conduit à la situation actuelle dans et autour de la base
polaire. Ce récapitulatif est important pour pouvoir répondre à vos questions.
La station de recherche zéro
émission Princesse Élisabeth a été construite au milieu des années 2000, à
l'initiative de l'explorateur Alain Hubert. Le 15 juin 2007, une convention de
partenariat est conclue entre la ministre de la Politique scientifique d'alors
et la Fondation polaire internationale (IPF). Celle-ci stipule, en ses articles
5 et 6, ce qui suit. Au terme de la construction, l'IPF fait donation à l'État,
à titre gratuit, de la propriété pleine et entière de la station. Cependant, il
est convenu que l'IPF conservera une quotité indivise symbolique d'un millième
de la propriété de la station. La donation de la station est soumise aux
conditions suivantes: le financement de l'entretien et du fonctionnement de la
station sera assuré par l'État à concurrence de maximum un million d'euros par
an pour les années 2008 et 2009. Le budget devra ensuite être réexaminé.
En qualité de partenaire
privilégié de l'État dans le cadre du Secrétariat polaire, l'IPF aura la
responsabilité de l'entretien et de la maintenance. Pour ce faire, l'IPF ne
recevra pas de fonds des pouvoirs publics pour les tâches qui lui sont
imparties.
Le 22 décembre 2008, cette
dernière clause est modifiée pour un avenant à la convention de partenariat qui
l'a modifiée de la façon suivante: "En qualité de partenaire privilégié de
l'État dans le cadre du Secrétariat polaire, l'IPF aura la responsabilité de
l'entretien et de la maintenance. À cet effet, un accord de partenariat sera
conclu entre le Secrétariat polaire et l'IPF."
En outre, l'avenant change
également l'estimation globale du coût de la conception et la construction de
la station. Cette estimation est dorénavant portée à 21,2 millions d'euros,
tandis que l'estimation initiale s'élevait à 6,4 millions d'euros.
Par la loi du 24 juillet 2008
portant des dispositions diverses, le Secrétariat polaire comme service de
l'État à gestion séparée est créé. L'arrêté royal du 20 mai 2009 fixe les
règles de la gestion de ces services de l'État à gestion séparée. Hébergé au
sein du SPP Politique scientifique, le Secrétariat polaire assure la gestion
financière, administrative et matérielle de la station polaire. Le Secrétariat
polaire est dirigé par un directeur et un conseil stratégique, composé de douze
membres ayant un mandat de cinq ans, soit six représentants de l'État et six
représentants venant du privé, dont un représentant de l'IPF et cinq
représentants proposés par l'IPF mais désignés par le ministre de la Politique
scientifique.
Le protocole de partenariat entre
le Secrétariat polaire et l'IPF a été conclu le 30 mars 2010.
Ce protocole d'accord signé par
le ministre de la Politique scientifique et l'IPF concerne le transfert de
propriété, l'entretien et la gestion de la station polaire et de ses
équipements. Un inventaire en a été dressé en septembre 2009 et l'État belge
s'est engagé à supporter les coûts d'exploitation de la station polaire à
concurrence de 1,25 million d'euros par an. L'accord détermine, en outre, qu'en
cas de non-respect du protocole d'accord, un remboursement des investissements
effectués de 15 millions d'euros par l'IPF et de 6,4 millions d'euros par
l'État après amortissement devrait avoir lieu. Aucun travail d'aménagement ne
peut être effectué sans le consentement de l'État.
Durant la période 2013-2014, de
graves irrégularités ont été rapportées par l'inspecteur général des Finances.
Des problèmes ont surgi entre l'IPF et le Secrétariat polaire. Le rapport de
l'inspecteur général des Finances évoque un conflit d'intérêts dans le chef de
l'IPF et des problèmes avec les factures introduites. L'IPF a unilatéralement
rejeté le protocole d'accord dans une lettre adressée au premier ministre de
l'époque, M. Di Rupo, le 22 avril 2013.
Un nouveau protocole d'accord
devait être conclu plus tard dans l'année entre l'État et l'IPF. En 2015, cette
dernière a de nouveau rejeté cet accord.
Lors de la formation du
gouvernement à la fin 2014, le conseil stratégique du Secrétariat polaire
n'avait pas encore été reconduit pour une nouvelle période de cinq ans. Compte
tenu des problèmes qui étaient apparus les années précédentes, j'avais demandé
au début 2015 à l'IPF de proposer de nouveaux candidats pour la composition du
conseil stratégique. L'IPF ayant refusé de me répondre, j'ai alors décidé
d'adapter le fonctionnement du Secrétariat polaire, un service de l'État à
gestion séparée relié au SPP Politique scientifique, pour le mettre en
conformité avec les principes d'une gestion transparente des fonds publics.
Le 10 août 2015, sur ma
proposition, le gouvernement a décidé d'un nouvel arrêté royal en vue d'adapter
l'arrêté du 20 mai 2009 fixant les règles de gestion du service de l'État à
gestion séparée qu'est le Secrétariat polaire. Le nouvel arrêté spécifie que le
conseil stratégique ne peut être composé que par des membres désignés par la
cellule stratégique fédérale et que l'IPF n'est plus le partenaire privilégié
du Secrétariat polaire.
Je souhaite approfondir
l'argumentation qui a conduit à l'adaptation de l'arrêté royal du 20 mai 2009
fixant les règles de gestion du service de l'État à gestion séparée. En résumé,
ce dernier accordait de facto un monopole à l'IPF comme prestataire d'un
service dans l'Antarctique. Cette disposition entrait en contradiction avec les
règles de libre-échange, de libre circulation des services, de bonne gestion et
d'utilisation efficace des deniers publics. La prestataire de service a recouru
à cette position de monopole et en a abusé. Je m'explique.
1. L'inspecteur général des
Finances est parvenu, dans son avis du 25 juillet 2015, aux conclusions
suivantes: "Le coût des campagnes présentées par l'IPF à l'État belge
suivait toujours une courbe ascendante. Là où il était convenu que les frais ne
pouvaient dépasser un montant maximal d'un million d'euros, ils ont grimpé à
1,1 million d'euros en 2009, 2,6 millions en 2010 et 2,8 millions en 2011 pour
terminer à 3 millions dans le cadre d'un nouvel accord de coopération avec
l'IPF".
2. La violation du respect des
accords sur certaines parties d'enveloppe. L'Inspection des Finances a noté à plusieurs
reprises que les factures soumises dépassaient le budget approuvé.
3. La violation de l'accord sur
la destination du solde des campagnes. L'Inspection des Finances a constaté que
l'IPF avait tenté de récupérer les factures qui avaient été rejetées, via les
soldes des années précédentes.
4. La violation des accords
précédents. L'Inspection des Finances a constaté que l'IPF n'avait plus
respecté, en mars 2015, les accords passés avec l'État belge, dont également
celui approuvé par le Conseil des ministres du 12 juillet 2013.
5. L'infraction sur la
justification des dépenses. L'Inspection des Finances a fait remarquer que le
solde des factures concernant certains frais de navigation n'avait pas été
introduit dans les pièces justificatives supplémentaires.
6. L'infraction combinant
fonction et communication. L'Inspection des Finances parle ici d'un conflit
d'intérêts intégral entre la fonction de président du Conseil stratégique et
celle de président de l'IPF qui sont exercées par une seule et même personne.
La note du Conseil des ministres
du 3 juillet 2015 énumère au moins onze lacunes. Quatre d'entre elles
concernent la coopération entre l'État belge et l'IPF. Les sept autres
épinglent la question interne de l'IPF.
Conformément au nouvel arrêté royal
de 2015 portant sur la gestion du Secrétariat polaire, la mission relative à
l'organisation des campagnes BELARE vers le Pôle Sud n'était plus directement
confiée à l'IPF. La tâche doit maintenant être attribuée via une procédure
d'appel d'offres. Ainsi, l'organisation de la campagne BELARE pour la saison
2015-2016, approuvée par une décision du Conseil des ministres du 24 septembre
2015 a été attribuée à AntartiQ SPRL Cette dernière a dû travailler avec une
équipe de la Défense. L'accord de coopération pour la campagne BELARE a été
conclu entre les ministres de la Politique scientifique et de la Défense.
L'IPF a entamé diverses
procédures pour contester les décisions de l'État déclarées en référé non
recevables dans les faits.
La campagne BELARE 2015-2016 se
déroule très bien avec Chiara Montanari comme chef d'expédition et avec une
équipe composée de membres d'AntartiQ SPRL, de la Défense ainsi que de
scientifiques belges.
En application de la décision du
Conseil des ministres du 29 avril 2016, le Secrétariat polaire a également
lancé, pour la préparation et l'organisation de la campagne BELARE 2016- 2017,
un marché public faisant appel aux candidatures pour cette campagne BELARE.
L'accord de coopération entre la Politique scientifique et la Défense est
également renouvelé pour cette campagne. L'IPF a introduit une demande en
suspension auprès du tribunal contre ces décisions.
Dans son arrêt rendu le 23
septembre 2016, le Conseil d'État a suspendu l'arrêté royal du 10 août
concernant les nouvelles règles de gestion du Secrétariat polaire. En vertu de
cette décision, le Secrétariat polaire peut confier l'exécution de certaines
tâches d'entretien à un ou plusieurs tiers, sous réserve du respect de la
législation relative aux marchés publics, pour pouvoir disposer de l'expertise
nécessaire et de moyens humains et matériels.
Le Conseil d'État fait valoir que
l'arrêté royal du 10 août 2015 entraîne une violation de l'article 62 de la loi
du 24 juillet 2008 portant des dispositions diverses, en vertu duquel le
Secrétariat polaire assure la gestion financière et matérielle de la station
scientifique Princesse Élisabeth dans le cadre de la donation effectuée par la
Fondation polaire internationale à l'État.
Une conséquence de l'arrêt du 23
septembre 2016 est que le Secrétariat polaire a dû arrêter la procédure en
cours d'appel public aux candidatures pour l'organisation de la campagne
2016-2017 de BELARE.
Pour pouvoir continuer à
organiser la campagne BELARE pour l'été antarctique 2016-2017, le Conseil des
ministres du 20 octobre a décidé d'envoyer à la base polaire une mission
d'entretien limitée composée d'une équipe d'experts de la Défense et de la
Politique scientifique. Celle-ci sera éventuellement complétée par un certain
nombre de scientifiques. La possibilité est offerte à l'IPF d'accompagner la
mission avec trois représentants.
L'IPF a également entamé une
nouvelle procédure contre l'État belge, ce qui a conduit à la suspension de
l'initiative gouvernementale par un arrêt du Conseil d'État du 27 octobre 2016.
L'arrêt établit clairement que l'État belge, bien que propriétaire à 99,9 % de
la base polaire, ne peut décider seul de l'organisation d'une mission
d'entretien vers celle-ci. Cette décision revient au conseil stratégique du
Secrétariat polaire qui doit collaborer pour la maintenance et l'exploitation
de la base avec l'IPF comme partenaire privilégié.
En plus de ces problèmes
administratifs, il y a encore des indications très claires sur le fait que
l'IPF, une fondation dont le but est d'assurer la communication et
l'enseignement de la recherche polaire, a abusé de sa position de monopole pour
mener ou laisser mener et assurer ou laisser assurer par des personnes
entre-temps liées à l'IPF, sous le couvert d'un partenariat privilégié avec
l'État belge, des activités commerciales à la base polaire et dans son
voisinage sans le moindre rapport avec ce partenariat.
Déjà pendant la construction de
la base polaire, des questions critiques se sont posées concernant la structure
de propriété lors d'une inspection de la Norvège en février 2009. La Belgique a
répondu que la base serait transférée à l'État et gérée par le biais d'une
structure spéciale, le Secrétariat polaire. La Norvège a alors donné
satisfaction. Mais dans le rapport d'inspection de 2009, l'équipe norvégienne a
fait la remarque critique suivante, je cite en anglais:
“Although the inspection team has received
satisfactory answers to questions and concerns raised with respect to ownership
and research platform, it nevertheless seems appropriate to flag the potential
uncertainties that appear when private interests are involved in Antarctic
national science operations, both with regard to logistics, science priorities
and funding. In itself such private interest does not necessarily lessen the quality
and priorities of the activities, but it does raise questions with respect to
inter alia liability and safety issues, scientific objectives, safeguarding of
scientific continuity and issues related to cooperation (inter alia between
operations and science, between various operators, between operator and COMNAP,
and between operator and national authorities).”
En novembre 2015, l'IPF a ignoré
l'interdiction qui lui a été faite par la Cour de mettre encore ellemême sur
pied une équipe à la base polaire et de la diriger pour récupérer et déplacer
du matériel vers la blue ice runway. Ce n'est qu'après l'instauration d'une
astreinte par l'État belge que l'IPF a rapporté une partie du matériel volé à
la base polaire.
Le 25 septembre 2016, une annonce
commerciale a été placée sur le site sud-africain
http://www.polarnova.co.za/story.html. Je cite encore en anglais pour être sûre
qu'il n'y ait pas d'erreur de traduction et pour éviter les discussions
concernant des différences entre le néerlandais et le français.
“Adventurers keen on seeing in the next year
under rather unusual circumstances can do so by joining the Polar Nova
expedition, leaving Cape Town for East Antarctica on Thursday 29 December.
The expedition is made possible by ZaiLab, a
maverick South African company that develops revolutionary contact-centre
solutions. ZaiLab is no ordinary company: rather, it’s an organisation of
craftsmen with an eye on sweeping staid tradition aside to make way for the
truly remarkable. As such, they could never settle for unremarkable forms of
marketing. So ZaiLab are building a truck. A futuristic, high- tech truck that
looks more like a spacecraft than a land-bound vehicle. They want this truck to
go places trucks never go. The first port of call is Belgium’s Princess
Elisabeth Antarctica Research Station, the first zero emission research station
in the world.
In taking their truck to Antarctica, ZaiLab is
making it possible for a small group of 21 passengers to join them in seeing
the mission to a successful conclusion. Both people and cargo will travel on a
Russian Ilyushin, the best cargo plane for landing and taking off on a blue-ice
runway. Weather permitting, the plan will land at Perseus airfield, from which
two groups will be transported by 4x4’s and snowmobiles to the station.
The spectacle that is Antarctica encompasses
one of the most pristine wilderness areas on Earth where there is no real human
population – and this is one of the best times to visit, when the weather is
warmer and the sun shines 24 hours a day. With unrivalled photographic and film
opportunities along the way, this expedition offers adventurers the rare
opportunity to share the life of scientists and crew who live in the most
futuristic station on the continent. Sleeping accommodation can be arranged
outdoors, in tents designed to withstand the harsh weather, or indoors in
heated rooms.”
Ans so on, and so on …
Des éléments de preuve, il
ressort de nouveau qu'il existe une parfaite confusion entre les activités
qu'exerce l'IPF dans le cadre de son partenariat avec l'État et les activités
commerciales de collaborateurs ou d'autres personnes impliquées dans l'IPF.
Lors de la réunion post-saison
DROMLAN à Bremerhaven en mai 2015, le transporteur aérien privé ALCI (Antarctic
Logistics Centre International), a présenté, conjointement avec l'IPF, le
projet Blue Ice Runway at ?? . Ce projet relève d'une initiative de construire
une grande piste d'atterrissage à proximité de la base polaire, avec comme objectif
de pouvoir accueillir le tarif aérien international.
ALCI et l'IPF avaient indiqué
précédemment qu'ils introduiraient la demande nécessaire pour cela au Comité
pour la protection de l'environnement de la Réunion consultative du Traité sur
l'Antarctique, dans la perspective de commencer les travaux de construction en
2016-2017.
Dans sa note d'information, le
représentant belge auprès de l'ATCM propose:
“To our knowledge, such a SEEI has not yet been
introduced, while preparation works and the test flight already took place
during the 2015-2016 season. Belgium has never been officially notified about
the runway development, has not been involved in and has not delivered a permit
for the activities. Belgium could see some merits in the project as far as some
concerns are addressed and clarifications are given regarding its potential
burden and implications on the activities at Princess Elisabeth Basis, secondly
a SEEI or at minimum an EEI for such a runway to be assessed by the ATCM,
thirdly clarifications about the authorization permits (?) to be applied as
well as to what policy on tourism will be emplaced for the runway.”
Néanmoins, permettez-moi de
souligner qu'il est essentiel que la Belgique continue à respecter, en la
matière, en tant que co-fondateur et signataire, le Traité sur l'Antarctique et
le Protocole de Madrid de 1991, aussi connu comme le Protocole sur la
protection de l'environnement au Traité sur l'Antarctique.
Ce protocole donne aux États
contractants suivants une mission très claire à l'article 3:
“Activities shall be planned and conducted in
the Antarctic Treaty area so as to accord priority to scientific research and
to preserve the value of Antarctica as an area for the conduct of such
research, including research essential to understanding the global
environment.”
Les parties signataires du Traité
ont indiqué, lors de leur réunion annuelle, que toute activité touristique
masquée au titre d'activité scientifique serait sévèrement critiquée par elles.
Je souhaite apporter des renseignements
complémentaires à vos questions. Il est vrai que le Conseil d'État et le
tribunal de première instance francophone stipulent que, dans le cadre des
accords actuels de coopération, ni le gouvernement fédéral ni le ministre de la
Politique scientifique ne peuvent décider de l'organisation d'une campagne
BELARE au Pôle sud. Seul le conseil stratégique du Secrétariat polaire peut
prendre une telle décision. À l'heure actuelle, il ne l'a pas encore fait. Par
voie de conséquence, ni l'État belge ni l'IPF présente à la base polaire ne
peuvent empiéter sur la mission du Secrétariat polaire.
À aucun moment, je n'ai ignoré
une décision rendue par un tribunal belge. J'ai suspendu, à la suite d'une
décision récente du Conseil d'État, le marché public pour l'appel relatif à
l'introduction des candidatures pour la campagne BELARE 2016-2017. La mission
belge a été immédiatement rappelée et placée en attente.
J'ai invité tant l'IPF que les
ministres fédéraux compétents à présenter leurs délégués pour leur nomination
en qualité de membres du nouveau conseil stratégique du Secrétariat polaire.
J'espère pouvoir le nommer le plus tôt possible.
Via les médias, j'ai appris
qu'Alain Hubert était actuellement présent sur la base polaire avec une équipe
de huit membres de l'IPF. Ils s'y sont rendus de leur propre initiative sans
aucun mandat du Secrétariat polaire.
La Défense a toutes les capacités
pour mener une mission au Pôle sud. Une de ses équipes a participé à la
construction de la base polaire et bénéficie d'années d'expérience sur tous les
aspects logistiques et opérationnels d'une mission au Pôle sud.
Je peux vous confirmer que je
suis dans un dialogue continu avec l'IPF afin de trouver une solution commune.
Pour votre information, je rencontrerai demain mon interlocuteur de l'IPF à mon
cabinet dans cet esprit de dialogue – et ce n'est pas la première fois.
En ce qui concerne les experts
BELSPO et la SPRL AntarctiQ, j'attire votre attention sur le fait que cette
dernière n'a pas été contactée par BELSPO, mais par le Secrétariat polaire.
Après l'échéance du contrat au début 2016, plus aucun service n'a été délivré
par la SPRL.
Dans le cadre de l'organisation
d'une mission de maintenance de la station polaire Antarctique 2016-2017, y
compris l'évaluation et le développement des propositions pour les futures
campagnes, en ligne avec l'accord de gouvernement, nous avons procédé au
recrutement de cinq experts disposant des compétences et de l'expérience dans
les différents domaines techniques nécessaires pour cette mission et les tâches
y afférentes. L'appel à candidatures a été fait via une sélection officielle de
Selor sous les références ANG16078, ANG16077, ANG16076, ANG16075, ANG16074, et
a été publié sur le site de BELSPO pour publicité.
La facture d'avocat en rapport
avec l'affaire État belge-IPF et Alain Hubert représente un total de 124 318,97
euros pour 2015 et 333 866,71 euros pour 2016. Ces coûts n'auront pas d'impact
sur les budgets du Secrétariat polaire 2017 et sur les campagnes BELARE.
Enfin, je voudrais souligner que
mon ambition est d'œuvrer en pleine conformité avec les traités
environnementaux pour continuer à garantir la recherche scientifique dans la
base de l'Antarctique. Une solution durable pour une gestion transparente de la
base polaire est à chercher dans une nouvelle forme de coopération entre le
public et le privé. La solution consiste en la mise en place, à travers un
marché public, d'une AISBL, comme indiqué dans l'accord gouvernemental, avec au
moins un autre État membre et un partenaire privé.
Cette AISBL sera chargée de la
gestion. L'État belge conservera une voix prépondérante dans l'AISBL. Les
chercheurs belges seront impliqués dans la gestion de la base. La coopération
internationale et le sponsoring seront privilégiés, de sorte que l'État belge
verra le coût opérationnel diminuer. Le partenaire privé intéressé, sous
condition d'une bonne gestion transparente, aura la possibilité d'avoir une
voix consultative au sein de l'AISBL. J'espère avoir répondu ici à toutes vos
questions.
Le président:
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour votre réponse partiellement
bilingue.
Elke Sleurs,
secrétaire d'État: C'était pour être certaine que les citations
soient correctes en anglais. C'est tout.
Le président:
Je le saluais.
Elke Sleurs,
secrétaire d'État: Je ne veux pas de discussion sur l'emploi des
langues. Le président: Je dois aussi vous dire que je vous ai laissée
poursuivre votre réponse bien au-delà du temps normal. Je suis pour que les
députés puissent s'exprimer dans les débats et que les réponses soient aussi
les plus complètes possibles. Je me tourne vers les collègues pour leur
demander s'ils sont satisfaits des réponses.
Marcel Cheron
(Ecolo-Groen): Dear president, j'ai l'impression qu'il faut parler
anglais pour essayer de se comprendre.
Madame la secrétaire d'État,
merci pour votre très longue réponse. Je découvre cette salle et j'ai
l'impression de voir ce que je voyais à la télévision, mais c'était plutôt dans
des pays de l'Est. On appelait cela le Politburo. Je pense que les discours
duraient aussi longtemps. Je vous remercie pour votre très long récapitulatif.
Cela va alimenter ma tentative de connaissance du dossier qui est effectivement
extrêmement complexe.
Vous nous avez presque fait un
historique. Cela tombe bien, je suis historien. Cela m'intéresse et c'est une
très belle science. Vous devriez d'ailleurs la favoriser un peu plus dans vos
budgets, j'y reviendrai. Vous avez commencé de manière un peu agressive en
laissant entendre qu'on s'occupait de ce dossier à travers la presse. Vous avez
essayé, à la méthode d'autres politiques, de faire autre chose, à savoir de ne
pas vous contenter de la presse et d'essayer de donner la vérité vraie.
J'ai écouté le plus patiemment
possible ce qui était dit en français. J'ai été un peu moins attentif sur ce
qui a été dit en anglais parce que mes limites et les limites de la traduction
faisaient que c'était un peu difficile. Je lirai donc cela au compte rendu
intégral.
Madame la secrétaire d'État, je
retiens que vous avez essayé, en anglais, de démolir l'IPF, de la discréditer.
Je ne suis pas ici le représentant de qui que ce soit, et en tout cas pas de
l'IPF. J'imagine que, demain, si vous commencez la réunion de la sorte – c'est
le seul élément que vous nous apportez –, vous êtes mal barrée. Après deux ans
de tentatives pour discréditer les intervenants qui ont démontré qu'ils
savaient aller sur le terrain, qu'ils savaient bâtir une station et la gérer,
vous avez essayé de les outrepasser pour des raisons qui vous appartiennent. Vous
mettez en avant l'Inspection des Finances d'il y a deux ans. On doit
effectivement en parler mais pas de la même manière.
Vous êtes aujourd'hui devant un
total fiasco.
Les principales victimes de tout
cela, ce sont les scientifiques qui ne savent pas se rendre dans cette base
dont c'est pourtant la destination première.
Vous êtes partie dans un bras de
fer avec M. Alain Hubert et la Fondation polaire internationale. Et à l'image
de tous les bras de fer que vous entamez avec d'autres personnalités – je ne
vais pas évoquer nommément un autre dossier –, le résultat de votre politique,
c'est que vous fournissez à vos adversaires les armes juridiques pour qu'ils
gagnent, puisque la justice finit par leur donner raison. C'est quand même
assez paradoxal; voilà mon premier constat.
Le deuxième constat – sans
vouloir adopter une position à cet égard –, c'est que vous avez passé un temps
considérable à évoquer des Norvégiens et un site internet pour essayer de
discréditer, en anglais, l'IPF, avec qui, demain, vous allez devoir renouer le
dialogue, parce que c'est tout simplement ce que le Conseil d'État vous oblige
à faire.
Deuxième élément concret – petit
à petit, vous êtes obligée d'avancer –, vous allez enfin désigner des
représentants au sein du conseil stratégique du Secrétariat polaire.
Madame la secrétaire d'État, vous
deviez vous y attendre: je vais déposer une motion parce que je ne vais pas me
contenter des réponses qui sont apportées ici, qui sont évidemment
insatisfaisantes à mes yeux. Le véritable problème qui se pose consiste à
dégager une solution durable pour régler une fois pour toutes les rapports
entre les différents intervenants, publics et privés. C'est probablement ce qui
rend la situation difficile parce que nous nous trouvons dans un modèle qu'il
faut inventer et faire fonctionner le plus durablement possible en utilisant
les compétences qui existent. Nier les compétences d'un certain nombre
d'interlocuteurs, que vous déblatérez dans votre réponse, alors que vous allez
être obligée de collaborer avec eux demain, prouve bien qu'il faut se tourner
vers le dialogue.
Je vais donc déposer une motion.
Celle-ci est raisonnable, madame la secrétaire d'État, parce que, d'un point de
vue comptable, vous allez être obligée de passer par toutes ces étapes, à
savoir: - vous conformer réellement aux décisions de justice; - désigner au
plus vite les membres du conseil stratégique du Secrétariat polaire, - en vertu
des décisions du Conseil d'État, prendre les mesures nécessaires légales et
proportionnées pour permettre au Secrétariat polaire et à la Fondation
d'exécuter leurs missions au service de la recherche scientifique; - prendre
des initiatives concrètes pour établir un dialogue formel entre le Secrétariat
polaire, la Fondation polaire et l'État.
Ce dernier point, c'est ce que
j'ai appelé tout à l'heure la nouvelle convention un peu moderne et qui répond
aux règles, parfois légitimes, de l'Inspection des Finances quand il s'agit de
budgets purement publics, mais dont on sait qu'elles ne sont pas adaptées au
fonctionnement avec le privé. C'est cela la difficulté. Madame la secrétaire
d'État, je ne vais pas entrer dans les détails, mais, par exemple, quand on
doit trouver des matériaux spécifiques pour créer des chaussures qui permettent
d'évoluer dans des conditions aussi extraordinaires que celles qui règnent au
Pôle Sud, un marché public traditionnel ne tient pas la route. Le simple bon
sens permet de s'en rendre compte.
Enfin, je vous demande de mettre
tout en œuvre en partenariat avec le Secrétariat polaire et la Fondation
polaire pour assurer l'entretien et la remise en état de la station polaire
Princesse Elisabeth pour relancer au plus vite les campagnes scientifiques.
En ce qui concerne le traité, il
importe, de toute évidence, de le respecter. Votre tentative pour
instrumentaliser le traité en vue de régler des comptes personnels n'a
évidemment aucun sens. Je vous signale d'ailleurs que Mme Marghem avait délivré
un permis d'environnement à M. Alain Hubert. J'ignore si vous êtes au courant,
mais en la matière, nous sommes bien dans les clous. Et on ne transige pas avec
le respect d'un traité dont la Belgique est partie tout aussi prenante que
dépendante. En effet, si elle devait déroger à ce traité, les parties
signataires de ce traité condamneraient la Belgique.
En conclusion, monsieur le
président, je déposerai cette motion pour inviter la secrétaire d'État à enfin
retrouver le chemin non seulement du dialogue mais de la pérennité de la
station polaire.
Caroline
Cassart-Mailleux (MR): Madame la secrétaire d'État, je souhaite tout
d'abord vous remercier pour le récapitulatif que vous nous avez livré. Il était
effectivement important de revenir depuis le début sur les informations ainsi
que sur l'ordre chronologique des décisions du gouvernement, des arrêtés et de
nous éclairer quant à ce dossier.
Je demanderai une copie de votre
réponse et consulterai le compte rendu pour l'analyser correctement. En effet,
si je manie l'anglais, deux ou trois mots ne m'étaient pas familiers. En tout
cas, je souhaite relire votre réponse à tête reposée et faire passer le message
que ce qui nous intéresse, vous comme moi, c'est la recherche scientifique. Je
ne souhaite pas la pénaliser. Je souhaite qu'elle évolue. C'est évidemment un
moteur important, tout comme un fleuron de notre économie. Je souhaite
également en revenir au dialogue et avancer sur ce dossier, au sujet duquel
vous nous avez apporté les éclaircissements nécessaires. C'est un dossier
important pour notre pays et nous pourrons encore en reparler.
Daniel Senesael
(PS): Monsieur le président, je remercie Mme la secrétaire d'État
pour ses éléments de réponse. Je serai plus bref que mon collègue Cheron qui a
déjà bien tracé les lignes directrices de la réplique. Je voudrais juste donner
une impression et un commentaire, madame la secrétaire d'État. L'impression,
c'est que, dans votre long monologue, j'avais l'impression que Mercator se
transformait en salle d'audience de palais de justice mais avec une des parties
présente seulement à la barre, défendant avec moult détails et moult dates le
bilan de votre action au niveau de la station polaire. Cependant, je dois
rendre hommage à votre volonté d'avoir des objectifs de transparence
honorables.
Ceci étant, je pense qu'il eut
été préférable de pérenniser plutôt que de pénaliser la station polaire qui,
comme on l'a dit, avec les vertus du dialogue doit être au service de la
recherche scientifique. Dans votre long monologue où vous mettez en exergue
tout ce qui ne va pas pour que ce dialogue n'ait pas lieu et que vous terminez
en disant "Vivement demain qu'on se rencontre pour enfin se parler",
il y a un paradoxe que je m'explique difficilement.
En tout cas, la volonté de notre
groupe est que la recherche scientifique soit au centre de vos préoccupations
avec le respect des conventions mais surtout avec la nécessité de mettre en
place les outils pour pérenniser cette volonté qui nous anime.
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