Madame la Ministre,

Je ne vous apprends rien si je vous dis que les papillomavirus humains (HPV) sont particulièrement contagieux. Ils se transmettent régulièrement via la main et la bouche et les rapports sexuels protégés réduisent seulement les risques de propagation du virus.

Il existe plus d’une centaine de variantes de papillomavirus et les conséquences d’une telle infection peuvent aller de la verrue génitale au cancer.

D’après la fondation contre le cancer, 80 % des hommes et des femmes sexuellement actifs entrent en contact avec un papillomavirus une ou plusieurs fois au cours de leur vie. La fondation estime aussi que plus de 99% des cancers du col de l’utérus sont provoqués par une infection chronique du papillomavirus.

Jusqu’à présent, la meilleure protection contre 70 à 80% des papillomavirus demeure la vaccination avant infection. C'est pourquoi, en Belgique, les jeunes filles sont invitées à se faire vacciner gratuitement dans le cadre de la médecine scolaire avant leur première relation sexuelle.

Après l’Autriche, le Canada, l’Australie et les Etats-Unis, c’est au tour de la France de se demander s’il faut étendre la vaccination contre le HPV aux garçons. Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) s’est d’ailleurs prononcé en faveur de la vaccination des jeunes garçons ayant eu des relations sexuelles avec des hommes jusqu’à l’âge de 26 ans. Mais selon un sondage, toujours en France, 70% des médecins se prononcent en faveur de l’extension de la vaccination à tous les garçons.

Madame la Ministre,

-      Depuis 2014, combien a-t-on recensé de personnes infectées par le papillomavirus?

-      Le papillomavirus est-il en progression?

-      Le vaccin administré aux garçons contre le HPV diffère-t-il de celui administré aux filles?

-      Peut-on envisager que cette vaccination soit étendue, chez nous, aux garçons ?

o   Dans l’affirmative, les jeunes garçons sont-ils encouragés à recourir à ce type de vaccination?

o   Dans la négative, pour quelles raisons ne peut-on pas envisager que l’invitation à se faire vacciner contre le HPV soit étendue aux garçons?

-      En Belgique, des garçons ont-ils déjà recourus à ce type de vaccin?

-      Depuis 2014, combien de jeunes filles ont recouru à la vaccination gratuite dans le cadre de la médecine scolaire?

Réponse de Maggie De Block à la question n° 1836 de Caroline Cassart-Mailleux:

1. Le nombre de femmes infectées par le papillomavirus à haut risque (hrHPV) peut être estimé par la formule suivante : somme des effectifs de la population féminine dans une tranche d’âge donnée X prévalence de l’infection à hrHPV, par groupe d’âge.

La prévalence de l’infection à hrHPV en Belgique a été estimée dans l’étude SEHIB (Surveillance of Effects of HPV Immunisation in Belgium: Arbyn et al, Cancer Epidemiol 20161). Cette estimation se limite aux femmes de 18 à 64 ans.

On ne dispose pas de chiffres fiables sur la population masculine.

Age group

Prevalence (%)

Female population*

Nb women infected

18

-

19

17.0

123,340

20,968

20

-

24

20.4

339,131

69,183

25

-

29

18.4

363,395

66,865

30

-

34

15.5

362,590

56,201

35

-

39

12.8

366,663

46,933

40

-

44

9.8

369,648

36,226

45

-

49

6.4

389,263

24,913

50

-

54

10.1

406,167

41,023

55

-

59

5.7

382,589

21,808

60

-

64

5.3

341,871

18,119

Total

11.7

3,444,657

402,237

* Estimation pour 2016

Environ 400 000 femmes âgées de 18 à 64 ans sont infectées par le hrHPV.

2.  Pour répondre à cette question, une analyse de tendance a été faite par le Centre du Cancer, à l’aide des données du rapport du Centre d’Expertise (KCE 238). Voir figure ci-dessous.

La courbe montre une croissance progressive du risque d’infection par le hrHPV, passé de 9,7 % au premier trimestre de 2009 à 14,9 % au quatrième trimestre de 2013 (Source : KCE-238), chez les femmes de 25 à 64 ans participant au dépistage du cancer du col2.

En revanche, chez les jeunes femmes, âgées de 15 à 19 ans, une diminution de la prévalence du HPV16 et du HPV18 a été observée au cours de la même période, reflétant l’effet bénéfique de la vaccination contre ces deux types de virus3.

3. Trois vaccins sont disponibles: le vaccin bivalent (Cervarix, GSK), le vaccin quadrivalent (Gardasil, MSD) et le vaccin nonavalent, qui protègent respectivement contre 2, 4 et 9 types de HPV. Les vaccins administrés aux filles ou aux garçons sont identiques.

4. En effet, on peut envisager de vacciner également les garçons.

Un élément joue un rôle essentiel : l’immunité de communauté. Si un pourcentage élevé de la population cible est vacciné, la population non vaccinée se retrouve elle aussi (indirectement) protégée, car le risque de contamination est réduit en raison de la limitation de la circulation de la maladie en question. La vaccination contre le HPV se révèle la plus efficace (en matière d’immunité de communauté) quand le taux de vaccination chez les filles est inférieur à 50 %. Lorsque ce dernier taux atteint plus de 80 %, la plus-value de la vaccination des garçons est plutôt réduite. Lors de rapports hétérosexuels, le risque de contamination par des types de HPV visés par le vaccin est, en effet, alors fortement réduit. Vu que la charge de la maladie est beaucoup plus importante chez les femmes, la priorité est d’atteindre un taux de vaccination élevé chez les filles. La vaccination des garçons est utile en soi, car elle accélère encore davantage la réduction des cancers (par rapport à la seule vaccination des filles).

Si l’on entend estimer avec précision le rapport coût-efficacité de la vaccination neutre (« gender-neutral ») contre le HPV, il est nécessaire de bien connaître le taux de vaccination des filles.

Dans son dernier rapport, le Conseil supérieur de la santé préconise d’élargir le groupe cible pour la vaccination contre le HPV aux garçons de 10 à 14 ans (CSS N° 9181). Le Centre d’expertise (KCE) se penchera prochainement sur la question du rapport coût-efficacité de la vaccination des garçons étude 2017-04 (HTA).

5. Les personnes de sexe masculin ont accès aux vaccins contre le HPV, mais les coûts y afférents sont à leur charge. On ne dispose pas de chiffres sur le nombre d’hommes vaccinés contre le HPV en Belgique. On peut supposer que la couverture vaccinale est très basse, probablement inférieure à 1 % chez les garçons de 12 à 20 ans.

 

6. Le dernier rapport sur la couverture du vaccin contre le HPV proposé aux filles de 2e secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles porte sur la période 2012-134. Elle atteignait 34 %, 31 %, et 29 % pour respectivement une, deux et trois doses chez les filles de cette année scolaire. Une nouvelle enquête est prévue sur la couverture vaccinale en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne d’ici l’été de cette année. En Flandre, la couverture atteint 90 % pour la troisième dose.

 

Il convient de souligner que la Wallonie a davantage recours à la vaccination « opportuniste » des filles âgées de 12 à 18 ans, qui est partiellement remboursée (voir Tableau 1 ci-après). Si l’on tient compte de celle-ci, le contraste entre la Flandre, d’une part, et la Wallonie et Bruxelles, d’autre part, est moins marqué que ce qui ressort des chiffres portant uniquement sur les vaccinations organisées gratuitement par les Communautés. Ce dernier type de programme connaît en effet un immense succès en Flandre (couverture de 90 % pour la 3e dose, selon les estimations d’une étude récente5). Toutefois, les vaccinations opportunistes plus fréquentes en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre sont loin de compenser la différence de couverture atteinte grâce à la vaccination dans le cadre scolaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tableau 1. Nombre de filles âgées de 12 à 18 ans, nombre de remboursements enregistrés pour ces filles pour les différentes doses de vaccins et pourcentage de filles ayant reçu les trois doses de vaccin (Belgique, par Région, 2013-15. Source : INAMI, Pharmanet)

Région

Bruxelles

Flandre

Wallonie

Inconnue

Total

N (filles 12-18 ans)

42 333

236 354

146 626

 

 425 313

Nombre de doses remboursées (2013-15)

 

 

 

1re dose

1 272

4 553

7 588

47

13 460

2e dose

839

2 521

5 953

41

9 354

3e dose

1 729

5 302

11 837

63

18 931

Total

3 840

12 376

25,378

151

41 745

 

 

 

 

 

 

% filles ayant reçu la 3e dose

4,1 %

2,2 %

8,1 %

 

4,5 %