Madame la Ministre,

 

Dans le monde économique, le Fast-fashion désigne le renouvellement, le plus rapide possible, des collections d’articles de la mode vestimentaire. Ce qui implique pour les chaînes de vêtements une réactivité maximale, une souplesse du processus de production et des flux logistiques tendus à l’extrême.

 

Alors qu’avant, les chaînes de vêtements ne proposaient que 2 collections par an. Aujourd’hui, ils renouvellent leurs rayons tous les 15 jours. Et la recette semble fonctionner puisque le consommateur occidental moyen achète désormais 60% de vêtements en plus qu’il y a 15 ans (chiffre tiré d’une enquête de Greenpeace parue en 2017).

 

Parallèlement, depuis une quinzaine d’années, le gaspillage vestimentaire prend une ampleur alarmante.

 

D’après le service d’information sur la recherche et le développement de l’Union Européenne (Cordis), cette mode de l’éphémère à bas coût qui veut inciter au maximum les acheteurs à renouveler leur garde-robe, engendre, près de 6 millions de tonnes de déchets textiles jetés chaque année. Parmi ces 6 millions, seuls 1,5 million de tonnes de déchets textiles est recyclé.

 

En Belgique, d’après Oxfam, seuls 5 kilos de déchets textiles sur les 12 produits par an et par habitant sont collectés par des entreprises belges labélisées « Solid’R » à destination d’un public paupérisé.

 

Selon une enquête menée en 2015 par le Syndicat Neutre pour indépendants (SNI) auprès de 497 enseignes de vêtements, seuls 5 % d’entre elles offriraient leurs invendus à des organismes de bienfaisance.

 

Idéalement, il faudrait aussi limiter la surproduction des vêtements et encadrer les procédés de fabrication de telle manière à permettre par la suite un recyclage optimal pour les invendus.

 

A ce sujet, je souhaite faire le point avec vous.

 

Madame la Ministre,

 

Aviez-vous connaissance de ces chiffres ? Quelle est votre analyse ?

Quelles sont les conséquences de ce gaspillage vestimentaire sur l’environnement ? Disposez-vous d’estimations ?

Dans quelles mesures est-il possible de modifier, encadrer, les comportements des fabricants de textiles ? Et ceux des consommateurs ? Sur quelles pistes de solutions travaillez-vous ?

Pour la Belgique, disposez des chiffres relatifs aux kilos, tonnes de textiles recyclés chaque année ? Dans quelles mesures serait-il possible d’optimaliser le recyclage des textiles invendus ? 

 

 

 

 

Réponse de Marie-Christine Marghem à la question n° 627 de Caroline Cassart-Mailleux:

 

1.      Je ne connais pas les chiffres exacts pour la Belgique. Je suis bien consciente que de nombreux problèmes sont survenus dans les chaînes de vêtements à l’échelle mondiale. À divers endroits des chaînes, surviennent des problèmes qui ont un impact tant environnemental que social et économique.

 

2.      L’impact sur l’environnement est en effet considérable. Cet impact est surtout ressenti dans les pays de fabrication (pensons par exemple à la coloration et au nettoyage des vêtements) et d’extraction des matières premières (par exemple, la culture du coton et la consommation d’eau, les pesticides, etc.). Par ailleurs, nous relevons un impact social (mauvaises conditions de travail et problèmes de sécurité notamment) et un impact économique (citons le dumping du secteur des vêtements de seconde main sur le marché dans les pays en développement qui exerce une pression sur le marché intérieur, voire le détruit). Les problèmes sont donc nombreux à la fois ici, mais surtout aussi dans les pays où la production est assurée et où sont exportés des vêtements de seconde main. Je ne dispose pas de chiffres permettant d’estimer l’ampleur globale de cette problématique. Cependant, il ne fait aucun doute que cet impact est considérable d’autant que, comme déjà indiqué dans la question, la vague de renouvellement (nouvelles collections) a fortement augmenté et que les vêtements représentent de plus en plus un produit d’utilisation éphémère et souvent aussi très bon marché pour le consommateur.

 

3.      Je partage votre avis sur le fait qu’il faut prendre des mesures pour rendre les chaînes de vêtements (la même remarque s’applique évidemment aussi à d’autres chaînes de production) plus durables. La chaîne de vêtements étant internationale, elle requiert des initiatives tant au niveau régional, que fédéral, européen et même mondial.

 

L’installation de containers destinés à la collecte de vêtements de seconde main, par exemple, relève principalement d’une compétence locale (des villes et communes). Elles peuvent en toute autonomie décider des endroits où placer des containers de collecte et qui est habilité à le faire. Elles peuvent donc choisir de n’installer que des containers d’organisations labellisées Solid’R. Ici encore, il est du ressort du régional de déterminer ce qui peut être considéré comme déchet et ce que l’on sait/peut mettre en œuvre dans ce cadre. Le recyclage de vieux vêtements relève aussi essentiellement d’une matière régionale. Le recyclage des produits textiles s’avère en outre complexe étant donné qu’un même vêtement est souvent composé de différentes matières/différents éléments souvent difficiles à isoler par la suite, et empêchant ainsi un recyclage efficace. Par ailleurs, il n’est pas aisé de trouver des utilisations adéquates pour les produits recyclés.

 

Tout ce qui concerne les normes de produits et la sélection des produits autorisés sur notre marché ainsi que les conditions y afférentes relèvent à nouveau d’une compétence fédérale, à son tour souvent pilotée depuis l’Europe.

Les actions destinées à rendre les chaînes de vêtements plus durables exigent dès lors une bonne collaboration entre les différents domaines politiques.

 

Il s’agira bien entendu aussi d’assurer une collaboration avec les entreprises actives dans les chaînes de vêtements, les fédérations sectorielles, les syndicats et les ONG, etc.

 

Les différents plans d’action, dont le Plan d’action national Entreprises et Droits de l’Homme, proposent déjà des actions qui peuvent apporter une réponse partielle à la problématique des chaînes. Ainsi, il existe des actions relatives à la due diligence dans la chaîne, au label visant à promouvoir une production socialement responsable, la stimulation d’une approche sectorielle concernant la gestion responsable des chaînes de production, etc.  

 

La feuille de route économie circulaire que j’ai rédigée avec mon collègue, le ministre Peeters, comporte aussi des actions susceptibles d’avoir un impact, telles que celles relatives aux critères de recyclabilité ou à l’intégration d’une approche d’économie circulaire dans le cadre des marchés publics, etc.

 

Le guide en ligne sur les achats durables attire également l’attention sur la durabilité de l’achat de vêtements et de produits textiles par les autorités. Ce guide aborde également la question de savoir comment intégrer cet aspect dans le cadre d’un marché public, en ce compris l’implémentation d’approches end-of-life.

 

Citons en outre les différentes initiatives que prennent la société civile et les entreprises. Le label Solid’R qui concerne un aspect certes petit mais important en est un exemple. Je note encore la belle campagne Kleren, les efforts de diverses entreprises, etc.

 

En concertation avec le secteur et les diverses parties prenantes, j’aimerais prendre une initiative et rassembler les différents acteurs. Nous devons définir la problématique dans son intégralité, vérifier les initiatives et bonnes pratiques existantes et étudier les instruments et la politique que nous pouvons mener afin de rendre les chaînes de production plus durables. L’initiative relative aux chaînes de production durables, comme précisé dans ma note de politique 2018, peut y apporter une réponse. Il est prévu de concrétiser cette initiative au cours du second semestre de cette année.

 

4.      Je ne dispose pas de chiffres exacts au niveau national belge concernant la quantité de produits textiles collectés et recyclés annuellement en Belgique (ou proposés à la revente dans des magasins de seconde main ou exportés, considérés ou non comme des « déchets »). Ces chiffres devraient exister au niveau régional (du moins pour la région concernée) étant donné que la matière concernée relève principalement d’une compétence régionale.