Monsieur le Ministre,

Le dernier rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fait l’effet d’une bombe en affirmant que la consommation de charcuterie et de viande rouge favorise le cancer. Il faut toutefois prendre cette nouvelle alarmiste avec précaution et relativiser un peu les choses. En effet, il faut savoir qu’il y a 34.000 décès par cancers par an environ dans le monde qui seraient imputables à une alimentation riche en charcuteries. Pour donner une comparaison, on comptabilise 1.000.000 de décès par cancer liés au tabac, 600.000 liés à l’alcool et 200.000 à la pollution atmosphérique.

Le secteur agricole, secteur primaire et économique, déjà frileux suite aux nombreuses crises doit malheureusement cohabiter avec une presse un peu destructrice. Pourtant, il n’est pas inutile de rappeler que la viande a également des bienfaits pour la santé et l’environnement puisque sont présents des protéines, des acides aminés, du zinc, de la vitamine B12, etc. Le tout, c’est de pouvoir varier son alimentation et faire en sorte de celle-ci soit équilibrée. La suppression totale de viande entrainerait des carences importantes pour l’organisme, il convient donc d’en manger mais sans abus, comme pour une majeure partie des aliments existants déjà.

Monsieur le Ministre,

§  Pouvez-vous me donner votre position concernant le rapport de l’OMS?

 

§  Quelles sont les pistes envisagées afin que le secteur agricole ne subissent pas, une fois de plus, des désagréments suite à cette publication?

 

§  Comment promouvoir la consommation de viande auprès des consommateurs en expliquant que la viande fait partie d’une alimentation saine et équilibrée et qu’elle est indispensable?

 

Willy Borsus, ministre: Madame la députée, j'ai évidemment le plus profond respect pour les analyses scientifiques en général, pour les organisations scientifiques et pour l'OMS. J'ai pris connaissance avec beaucoup d'attention de cette communication ainsi que des communications suivantes. L'OMS qualifie la viande transformée de cancérogène pour l'homme, ce qui est un message extrêmement fort. L'OMS citait la viande en conserve, les saucisses, la viande salée ou fumée. La viande rouge non transformée (bœuf, porc, agneau, cheval, chèvre) était classée par la même organisation comme "potentiellement cancérogène". La classification de la viande aux côtés de produits comme l'amiante et d’autres produits de cette nature n'a pas manqué de choquer un certain nombre d'interlocuteurs, dont je fais partie. Selon les données examinées, provenant de plus de 800 études, l'OMS explique que chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18 %. Tandis que le risque de cancer colorectal pourrait augmenter de 17 % pour chaque portion de 100 grammes de viande rouge consommée par jour. Selon les informations disponibles sur le site internet de l'OMS, le cancer colorectal représente un taux de mortalité important (0,0302 %) en Belgique, selon des statistiques de 2011. En Belgique, le Conseil supérieur de la Santé, autre organisme scientifique de très haut niveau, que je respecte également, indique que du point de vue quantitatif, il est recommandé de consommer de l'ordre de 300 grammes de viande rouge par semaine et de ne pas dépasser 500 grammes par semaine. Un certain nombre de sites internet communiquent et illustrent ces chiffres. Selon une étude de juillet 2014 du SPF Économie, il s'avère que le Belge a une consommation moyenne de viande rouge de 678 grammes par semaine. Il faut souligner que la consommation de viande rouge a baissé quasiment de moitié en trente ans dans notre pays. Par conséquent, notre consommation tend vers les niveaux que je viens d'évoquer ou en tout cas, s'en approche. Toujours selon le SPF Économie, la consommation annuelle de viande rouge par habitant était de 35,36 kilos en 2013, contre 40,18 kilos en 2005. Ainsi, la consommation de viande rouge a reculé de près de 14 % en à peine huit ans. Je tiens également à souligner que l'OMS a envoyé un communiqué le 29 octobre suite aux réactions médiatiques mondiales engendrées par sa première publication. Dans cette communication, l'OMS stipule bien qu'elle ne demande pas aux gens d'arrêter de manger de la viande transformée mais indique que réduire ou adapter la consommation de ces produits peut réduire le risque de cancer colorectal. Je tiens encore à souligner qu'à côté du procès très régulièrement fait à la viande, il convient aussi de souligner d'autres éléments positifs de la consommation de viande puisque celle-ci contient des éléments nutritifs indispensables à l'organisme, tels que le fer, le zinc, certaines protéines et des vitamines B. Par ailleurs, l'OMS précise dans son dernier communiqué que l'état actuel de la recherche ne permet pas de déterminer une quantité saine de consommation de viande. Voilà une position qui se nuance au fil du temps, vous l'observerez. L'OMS annonce finalement qu'en début d'année prochaine, des experts commenceront à se pencher de façon plus approfondie sur les implications en termes de santé publique, des dernières avancées de la science et sur la place de la viande rouge et la viande transformée dans un régime alimentaire sain et équilibré. Je serai très attentif aux conclusions de ces études, comme d'ailleurs à la plupart des études qui me sont communiquées sur le sujet. Je voudrais enfin indiquer qu'il convient bien sûr, comme en beaucoup d'autres choses, que notre discours soit nuancé, soit balancé d'éléments de toute nature lorsqu'on évoque la consommation, et notamment la consommation de viande. La promotion des produits agricoles est une compétence régionale comme vous le savez. Je n'ai pas dit que je n'avais pas d'avis sur le sujet mais il ne me semble pas opportun d'en faire part à ce stade et en cette commission. Enfin, je voudrais insister aussi sur l'importance de nos productions viandeuses, agricoles en général, sur leur grande qualité à maints égards, sur le caractère économique très important qu'elles représentent. Je voudrais aussi souligner le caractère local et durable de la plupart de nos productions. Lorsque l'on fait le bilan d'une consommation, il faut tenir compte de tous les éléments. Un produit qui traverse la moitié de la planète pour rejoindre notre assiette comporte peut-être aussi des éléments environnementaux négatifs. Bref, vous avez en face de vous un avocat de nos secteurs agricoles, de leurs différentes productions que j'observe très souvent sur le terrain, mais aussi un analyste nuancé et offensif quant à des éléments de communication de cette nature.

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour le caractère tout à fait complet de votre réponse. Je partage tout à fait votre analyse lorsque vous dites que vous avez un respect complet par rapport aux différentes études menées. Moi aussi. La communication me semble néanmoins importante et fait parfois beaucoup de dégâts. Il faut insister sur une alimentation équilibrée. Par la communication, on transmet un message à la population. Il faut être prudent de manière à ne pas semer la peur dans la population. Il faut insister fortement sur la nourriture équilibrée, sur un cahier des charges et sur la qualité de nos aliments en Belgique. Je vous rejoins pour ce qui est de la promotion. Cela me brûlait de vous demander ce que vous en pensiez. C'est une compétence régionale. J'en conviens tout à fait avec vous. Le secteur en vaut la peine. Je voulais souligner aujourd'hui qu'en peu de temps, une communication importante dans ce sens peut mettre un secteur à mal.