Madame la Ministre,

 

La phytolicence, qui fait suite à l’entrée en vigueur de la Directive 2009/128, comme vous le savez, est un certificat qui s’assure que chaque utilisateur professionnel, distributeur ou conseiller manipule correctement les produits phyropharmaceutiques et les adjuvants.

L’objectif de la phytolicence est de tenir ces personnes informées des évolutions liées à la protection des plantes, et ce afin de limiter les risques de ces produits sur la santé humaine, animale et sur l’environnement.

La phytolicence est obligatoire à partir du 25 novembre de cette année pour toutes les personnes qui achètent, stockent ou utilisent des produits phytopharmaceutiques, ou des adjuvants, à usage professionnel.

Jusqu’à la date du 1er septembre dernier, l’expérience professionnelle pouvait être valorisée mais depuis cette date, les nouvelles demandes peuvent uniquement être effectuées sur base d’un diplôme/certificat reconnu.

En cas d’absence de ce type de document, les candidats à la phytolicence doivent participer à la formation de base. Cette formation est organisée par les Régions.

Or, actuellement, au niveau de la Région wallonne, la formation n’a pas encore été mise en place. L’arrêté portant sur celle-ci n’a pas encore été pris et les budgets ne sont toujours pas affectés à la mesure.

·        Madame la Ministre, avez-vous des contacts avec les régions quant à cette obligation de formation ? Qu’en est-il précisément ? Confirmez-vous l’information selon laquelle la région wallonne n’est pas prête ? Quid de la région flamande ?

·        Combien de phytolicences ont été accordées en Flandres et en Wallonie ?

·        Quelles sont les conséquences sur le terrain ? Que se passe-t-il concrètement pour une personne qui souhaite obtenir une phytolicence aujourd’hui alors que la formation n’est pas donnée ?

·        Une alternative est-elle possible ? Pourriez-vous envisager d’accorder un numéro de phytolicence sur base d’une attestation de demande de formation en attendant que ces cours soient effectivement dispensés ?

Les questions sont assez pratiques mais il y a une réelle demande du secteur. Nous avions aussi fait preuve de bon sens lorsque l'expérience était prise en compte. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous entendre sur ces différentes questions.

Daniel Senesael (PS): Madame la présidente, monsieur le ministre, en application d'une directive européenne, depuis le 25 novembre 2015, les agriculteurs qui veulent faire usage de pesticides doivent obtenir une phytolicence de type P2. À Estaimpuis, commune frontalière (23 kilomètres de frontières communes) avec la France et qui compte 30 % de Français, ce qui en fait la commune la plus française de Belgique, oùj'officie comme bourgmestre, plusieurs agriculteurs belges disposent de parcelles tant en France qu'en Belgique. Or, afin de pouvoir pulvériser dans leurs champs situés en France, ces agriculteurs devraient notamment disposer d'un Certiphyto, l'équivalent français de la phytolicence. Monsieur le ministre, il va sans dire que les agriculteurs, que je défends allègrement, ont déjà une charge de travail très importante. Ainsi, s'ils devaient, comme dans l'exemple que j'ai mentionné, faire des démarches auprès des autorités françaises et suivre des formations en France pour obtenir une licence qu'ils ont déjà en Belgique pour pouvoir continuer à pulvériser leurs parcelles françaises, cela deviendrait vite problématique. Pouvez-vous nous dire si des accords avec les autorités françaises ont été adoptés afin de voir reconnaître, par le biais de l'équivalence, les phytolicences en France? Dans le cas contraire, envisagez-vous de prendre contact avec votre homologue français en vue de faire reconnaître cette équivalence? Dans l'attente, quelles solutions alternatives peuvent-elles être proposées à ces agriculteurs?

Willy Borsus, ministre: Madame et monsieur les députés, comme vous le savez, je réponds également au nom de la ministre De Block, étant entendu que les produits phytopharmaceutiques ressortissent principalement à mes compétences, même si je veille à maintenir une concertation avec ma collègue à ce sujet. Ainsi que vous le soulevez très justement, toute personne qui souhaite acheter, vendre ou utiliser professionnellement les produits en question a besoin, depuis le 25 novembre dernier, d'une phytolicence. La période transitoire au cours de laquelle celle-ci pouvait être reçue sur la base de l'expérience acquise se terminait originellement le 31 août 2015. Vu le nombre de demandes tardives, et conscient des nombreux problèmes auquel le secteur agricole était déjà confronté, j'ai décidé de la prolonger jusqu'au 24 novembre. Depuis lors, il est exact que la phytolicence ne peut plus être obtenue que par des personnes pouvant prouver qu'elles disposent des connaissances requises via un diplôme ou après la réussite d'un examen. Celles qui y échouent ne peuvent le repasser qu'après avoir suivi une formation de base. Comme mentionné, ce sont les Régions et les Communautés qui sont responsables de l'organisation de cette formation. Cette responsabilité leur est connue et rappelée depuis quatre ans. Alerté par le retard pris dans la tenue de ces formations, j'ai interrogé – par l'intermédiaire de mes collaborateurs – mes homologues régionaux à ce sujet au cours de la Conférence interministérielle Environnement qui eut lieu fin octobre. Suivant les informations reçues, une formation de base est déjà organisée en Flandre – vos collègues pourront éventuellement vous le confirmer – et les premières formations complémentaires débuteront en novembre. En revanche, les Régions wallonne et bruxelloise ne proposent pas encore de formation spécifique – et je le regrette vivement –, mais elles y travaillent. J'ai également rédigé un courrier à destination de mon homologue wallon René Collin afin de lui rappeler ce problème qui peut devenir dommageable pour le secteur. En conséquence, une personne qui ne dispose pas d'un diplôme adéquat et qui ne peut pas participer à un examen ne peut pas recevoir de phytolicence. Concrètement, cela signifie que cette personne ne peut ni acheter, ni vendre, ni utiliser professionnellement des produits phytopharmaceutiques. Ces retards dans l'organisation des formations constituent donc un frein à l'accès à la profession, pour les vendeurs notamment. L'allongement de la période transitoire, que j'ai mentionnée il y a quelques instants, a au moins permis de diminuer le nombre de personnes qui sont ou restent dans l'attente de l'organisation de ces formations. Á ce jour, 72 000 phytolicences ont été délivrées, dont près de 51 000 ont été accordées à des concitoyens néerlandophones et plus de 21 000 à destination de nos concitoyens francophones. Votre proposition d'accorder un numéro de phytolicence sur la base d'une attestation de demande de formation ne serait pas conforme à la réglementation qui exige, entre autres, des conditions en termes d'expérience. Si je peux comprendre que l'AFSCA montre encore un peu de souplesse compte tenu du fait que les interlocuteurs concernés sont victimes de l'absence de possibilités de se mettre en ordre, il me paraît cependant urgent que l'on puisse résoudre ce problème au niveau des entités fédérées. En ce qui concerne, monsieur le bourgmestre le plus belgo-français, la problématique des agriculteurs frontaliers qui possèdent et exploitent des cultures situées de l'autre côté de la frontière, soyez rassuré, mon administration, le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement a déjà pris contact avec les autorités françaises afin d'installer une reconnaissance mutuelle entre la phytolicence et son équivalent français le Certiphyto. Les discussions entre les autorités belges et françaises sont toujours en cours et nous espérons aboutir très rapidement. Les différents secteurs concernés en Belgique seront informés et consultés quant à l'aboutissement de ce dossier lors de la réunion du groupe de travail Phytolicence qui se tiendra demain, le 28 janvier 2016. Une solution se profile donc à très court terme. Une telle reconnaissance mutuelle est d'ailleurs déjà d'application avec nos homologues aux Pays-Bas. De plus, dans l'attente d'une reconnaissance mutuelle approuvée par les autorités belges et françaises, il n'est pas exclu que la France puisse reconnaître la phytolicence belge de façon anticipée et temporaire, sur base volontaire.

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses détaillées. Les décisions ont été prises au niveau fédéral. La période transitoire est effective et il est maintenant temps que les Régions puissent organiser des formations. Je vais demander à des collègues d'interroger le ministre wallon pour faire avancer ce dossier car les agriculteurs se retrouvent pénalisés, ce que je déplore.