Monsieur le Secrétaire d’Etat :

Le 18 mars dernier, l’Union européenne concluait un accord avec la Turquie sur la question des migrants. Pour chaque Syrien renvoyé de Grèce vers la Turquie, un Syrien déjà présent sur le territoire turc sera relocalisé dans un pays européen, dans une limite fixée à 72.000 places. Cela concerne les migrants arrivés en Grèce après le 20 mars.

Le 1er avril, le Parlement grec a voté une nouvelle loi sur l’asile : les migrants susceptibles d’être renvoyés en Turquie doivent soit avoir renoncé à leur droit de demander l’asile en Grèce, soit avoir été déboutés de leur demande en première instance.

Monsieur le Secrétaire d’Etat :

-          Quand les premiers renvois de migrants vers la Turquie ont-ils  eu lieu ?

-          Combien de personnes étaient concernées ?

-          La nouvelle loi grecque sur l’asile respecte-t-elle la Convention de Genève  de 1949 ?

-          Qu’arrive-t-il à ces personnes une fois retournées sur le sol turc ?

Je vous remercie.

 

Question orale de Caroline Cassart, Députée, à Theo Francken, Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, sur le rôle des hotspots suite à l’accord UE-Turquie du 18 mars 2016

 

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur la mise en place et l’organisation de hotspots aux frontières de l’Union européenne. Ceux-ci étaient supposés être chargés de recevoir et d’identifier les candidats-réfugiés, de recueillir leurs témoignages, de prendre leurs empreintes digitales et de définir s’ils peuvent être reçus comme candidats-réfugiés sur le sol de l’Union européenne.  Mi-mars, soit trois jours avant l’accord UE-Turquie, vous m’avez confirmé que huit des onzes hotspots prévus étaient opérationnels : deux en Italie et six en Grèce.

Mais depuis l’accord UE-Turquie du 18 mars dernier, il semblerait que les centres d’enregistrements n’aient plus le même rôle. Alors qu’ils étaient des camps ouverts destinés à enregistrer les migrants, où les candidats-réfugiés ne restaient que quelques jours avant de reprendre leur route, ils sont devenus des centres fermés débordés de demandes. En outre, le Haut Commissariat aux Réfugiés s’est inquiété des conditions d’application de l’asile dans ces centres d’enregistrement, soupçonnant des failles dans les procédures d’asile.

Monsieur le Secrétaire d’Etat :

-          Les 11 hotspots sont-ils désormais opérationnels ?

-          Quel est leur rôle, maintenant que l’accord UE-Turquie du 18 mars 2016 est d’application ?

-          Avez-vous pris connaissance des inquiétudes du Haut Commissariat aux Réfugiés concernant les conditions d’application de l’asile dans les centres d’enregistrement ? Sont-elles fondées ?

-          Les 4000 agents promis par l’Union européenne pour renforcer le personnel des hotspots sont-ils arrivés ? D’où viennent-ils ? Sont-ils recrutés spécifiquement pour cette mission ou sont-ils détachés ?

Je vous remercie.

 

REPONSE DU  MAI 2016 - DEBAT

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): Les Turcs ont demandé 3 milliards d'euros, dont 71 millions seront mis à leur disposition par la Belgique. Il ne s'agit pas d'une dotation et toutes les factures devront être approuvées. L'argent servira à améliorer le confort des réfugiés et l'enseignement des enfants au sein des camps de réfugiés. Je ne sais pas si l'argent a déjà été versé, mais la question peut être posée au ministre compétent à cet égard. Le budget d'accueil de Fedasil s'élève cette année à plus ou moins 600 millions d'euros. Ce montant de 71 millions d'euros semble énorme, mais il est absolument nécessaire et peut être considéré comme une contribution à la coopération au développement. L'enseignement est absolument primordial pour les enfants syriens. En effet, le niveau de scolarité était assez élevé en Syrie, et ne doit pas se dégrader à cause de la guerre qui sévit dans ce pays. Sous la présidence néerlandaise, des négociations ne sont menées avec la Turquie que sur un seul des trente-trois chapitres à propos desquels un accord doit être conclu avant de pouvoir parler d'adhésion. Par ailleurs, la Turquie demande instamment une dispense de visa pour tous les citoyens turcs, et ce, dès la fin du mois prochain. Il n'est toutefois pas encore satisfait à toutes les conditions requises. L'accord de réadmission n'est pas encore entré en vigueur et tant que ce n'est pas le cas, il est évidemment impossible de procéder à une évaluation. De même, la mise à jour des passeports biométriques n'est pas encore finalisée. Le point relatif à la lutte contre la corruption n'est pas encore réalisé et il n'y a pas encore d'accord avec Europol concernant la protection des données, ni de coopération sur le plan juridique avec tous les États membres. La loi relative au terrorisme doit être mise en conformité avec les standards européens ainsi qu'avec la Convention européenne des droits de l'homme, or le président turc a encore indiqué hier qu'il n'avait pas l'intention d'agir dans ce sens. La Turquie reste donc encore loin du but. Le gouvernement belge considère que la dispense de visa ne pourra être accordée que lorsqu'Ankara aura rempli toutes les conditions. Le refus d'Erdogan de réviser sa loi antiterroriste se révèle être un obstacle majeur. La Belgique n'est disposée à envisager l'exonération de l'obligation de visa que moyennant l'instauration d'un mécanisme de sonnette d'alarme plus efficace. Plus concrètement, nous souhaitons que la directive européenne sur la libéralisation du régime des visas, le Code des visas, intègre une procédure efficace, assortie d'une extension des motifs de suspension. La coopération boiteuse dans le domaine de la réadmission des ressortissants des pays tiers est précisément l'un de ces motifs. Nous devons en effet être en mesure de réagir, face à une forte hausse des demandes d'asile, introduites ou non par des ressortissants de pays tiers, en provenance d'un pays que nous venons à peine d'exonérer de l'obligation de visa. Ik ga volgende week vrijdag naar de Europese Raad voor Binnenlandse Zaken in Brussel. Ik zal het Belgische standpunt daar uiteraard toelichten en verdedigen. Je participerai vendredi prochain au Conseil européen des Affaires intérieures qui se tiendra à Bruxelles et j'y présenterai et défendrai effectivement la position de la Belgique.

Nahima Lanjri (CD&V): La dispense de visa s'étend-elle à l'ensemble des pays européens ou certains pays peuvent-ils faire cavalier seul?

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): La dispense de visa s'applique à l'ensemble des États membres.

Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen): Dans quelle mesure cette disposition

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): Ils relèvent de l'accord de réadmission. Si nous accordons une exonération de l'obligation de visa à la Turquie, celle-ci doit en tout cas respecter la procédure de réadmission pour les Turcs, mais nous souhaitons que les accords de réadmission continuent également à s'appliquer aux ressortissants de pays tiers se trouvant sur le territoire turc. Loin de moi l'idée d'être perfide, mais imaginons que la dispense de visa soit accordée à la fin juin et que la Turquie dénonce ensuite l'accord et refuse de continuer à accepter des réfugiés en provenance de Grèce. Nous ne disposerions dans ce cas d'aucun instrument pour intervenir par le biais du Code des visas.

Nahima Lanjri (CD&V): La dispense de visa ne s'applique-t-elle pas exclusivement aux personnes de nationalité turque?

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): Il s'agit de la dispense de visa pour les Turcs et de la réadmission pour les Turcs et les ressortissants de pays tiers. Nous voulons que cette disposition fasse partie de l'accord UE-Turquie. Tant le président français François Hollande que la chancelière allemande Angela Merkel ont dit la semaine dernière que des conditions supplémentaires devaient être imposées. C'est la Belgique qui est le premier pays à avoir formulé cette proposition. L'accord avec la Turquie est loin d'être parfait mais il est efficace. Le flux entrant est reparti à la baisse, passant de 62 000 personnes en janvier 2016 à 4 000 en avril. Avant cet accord, des centaines de personnes mouraient chaque mois en mer. En décembre 2015, on a encore dénombré 207 victimes. En avril 2016, on n'en a plus recensé que 10. L'accord conclu entre Ankara et Bruxelles constitue véritablement un plan anti-noyade. Je ne comprends pas que l'opposition le conteste.

Les premières décisions de non prise en considération ont été prises et nous attendons à présent la décision de l'instance de recours. C'est une prérogative des autorités grecques. La Belgique est disposée à aider et trois juges du Conseil du Contentieux des Étrangers sont prêts à partir, mais la Grèce n'est pas encore prête. Depuis le 20 mars 2016, 386 migrants ont été renvoyés de Grèce en Turquie et ils n'avaient pas demandé l'asile. La Belgique s'est engagée à réinstaller 250 réfugiés en provenance de Turquie en 2016. C'est un début. Fin mai, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés nous transmettra les dossiers. Il s'agit de 250 personnes sur le contingent des 550 réfugiés. En matière de réinstallation, je suis de bonne volonté. Dans le cadre du plan de réinstallation biennal ordinaire 2015-2016, l'Allemagne et les Pays-Bas avaient déjà des dossiers en cours et ont à présent accéléré la procédure. La Belgique n'avait pas ouvert de dossiers avec la Turquie, car nous travaillons généralement avec des réfugiés en provenance du Liban. J'ai même demandé aux Néerlandais si nous ne pouvions pas reprendre quelques dossiers, mais ils ont refusé. Je ne me livre donc à aucune mesure dilatoire, bien au

Nahima Lanjri (CD&V): La Belgique demande-t-elle des réfugiés répondant à un profil déterminé?

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): Nous le demandons généralement pour les plus vulnérables et pour les familles syriennes. Le premier ministre avait déjà donné son feu vert à 100 relocalisations depuis la Grèce et j'en ai personnellement ajouté 100 de plus la semaine dernière. Les dossiers ont été demandés à la Grèce. Le 25 mai, les 20 premiers réfugiés en provenance de Grèce arriveront dans notre pays. Les dossiers du HCR ne nous parviendront que fin mai. Après que nous aurons soumis ces réfugiés "grecs" à un screening, les billets pourront être réservés et les questions d'ordre pratique pourront être réglées.

(En français) On a engagé cinquante experts pour les envoyer en Grèce mais il faut tenir compte de la situation en matière de sécurité.

(En néerlandais) Sur les îles, on rencontre des problèmes de sécurité dans les hotspots. J'ai écrit à mon collègue grec et au directeur du BEA. Je transmettrai ces courriers à la commission ainsi que les réponses que j'ai reçues. J'ai notamment exprimé mon inquiétude quant à l'insécurité dans laquelle doivent travailler les collaborateurs européens. Un expert allemand en matière de sécurité procède actuellement à un audit, audit qui sera finalisé cette semaine. De nombreuses tensions ont été constatées sur les îles au cours des dernières semaines. Le HCR devait envoyer un certain nombre de collaborateurs, mais ce projet a été suspendu jusqu'à ce que la situation sur place en matière de sécurité soit clarifiée.

Nous avons envoyé 2 000 couvertures, 200 tentes et des kits médicaux pour 20 000 personnes vers les hotspots en Grèce, ainsi qu'aux réfugiés qui se trouvent à Idomeni. Environ 8 000 personnes séjournent pour le moment en Grèce, dans les hotspots sur les îles; elles seront renvoyées en principe vers la Turquie sauf si leur demande était prise en considération. Parmi ces personnes, 386 ont été renvoyées parce qu'elles n'avaient pas demandé l'asile. Aujourd'hui, quasi tout le monde demande l'asile en Grèce, ce qui n'était pas le cas avant la conclusion de l'accord. Les personnes dont la demande est refusée peuvent être renvoyées en Turquie. La procédure d'asile normale est suivie, en ce compris les possibilités d'appel. Environ 50 000 réfugiés se trouvent aussi sur le continent grec. Les Syriens peuvent prétendre à leur relocalisation et nous nous sommes engagés à en reprendre deux cents dans notre pays. Les réfugiés qui ne peuvent pas prétendre à leur relocalisation, qui ne demandent pas l'asile et dont la demande d'asile n'est pas prise en considération, seront renvoyés. Telle est la philosophie de la politique en matière d'asile. (En français) À Idoméni, il y a d'abord des gens qui ne veulent pas demander l'asile en Grèce, ni non plus retourner en Turquie. Deuxièmement, la Grèce est en train d'en convaincre d'autres de demander l'asile chez elle.

(En néerlandais) Une partie des réfugiés du camp d'Idomeni a déjà demandé l'asile en Grèce. Ils sont de plus en plus nombreux à être transférés vers d'autres centres d'asile en Grèce. La situation à Idomeni est particulièrement critique et il y a lieu d'y remédier. La République de Macédoine n'est pas un État membre de l'UE et a, en tant qu'État souverain, pris la décision de fermer sa frontière. Le traitement de la procédure d'asile en Turquie est conforme aux directives européennes, qui font également mention du concept de "pays tiers sûr". Des garanties procédurales ont été fournies, notamment en ce qui concerne le recours suspensif. En Turquie, tout le monde peut demander l'asile, pas uniquement les Syriens. L'un des arrangements passés dans le cadre de l'accord est que la Turquie est tenue d'assurer la protection de tout un chacun. Il est également indiqué noir sur blanc que les Turcs doivent respecter le principe de non-refoulement. La Commission européenne se charge d'assurer un contrôle constant et rédige un rapport presque toutes les semaines. Un dialogue politique et technique permanent est également entretenu.

La Turquie délivre actuellement des permis de travail, y compris à des non-Syriens. Ces permis trouvent relativement peu d'acquéreurs, ce qui serait dû au fait que de très nombreux Syriens travaillent sans permis. Il est évident que la Turquie doit offrir plus d'accueil et plus d'enseignement mais je comprends la colère d'Ankara à propos des critiques émises par l'Union européenne. Nous devons en effet prêter aussi attention à ce que font les Turcs: accueillir 2,7 millions de personnes dont une partie dans des campements et une autre partie dans les villes, sur une base volontaire. Il faut porter un regard nuancé sur ce que fait la Turquie: accueillir 2,7 millions de personnes sur 80 millions d'habitants et prodiguer un enseignement à plus de 300.000 enfants. Essayez d'en faire autant! Les efforts fournis pour l'accueil des réfugiés dans leur propre région relèvent de la Coopération au développement et donc du ministre De Croo. Nous considérons en tout cas cet accueil comme une de nos priorités, y compris sur la scène internationale. En outre, nous tiendrons toutes nos promesses dans le cadre de l'accord UE-Turquie et nous continuerons d'y investir au maximum. Il ne s'agit pas seulement d'argent mais également d'aide humanitaire et, dans ce cadre, de l'envoi du personnel adéquat. N'oublions pas nos dotations au HCR et à l'Organisation internationale des migrations (OIM) auxquels nous continuons de contribuer de façon cohérente.

Je ne puis pas encore vous dire en quoi consistera le vote de la Belgique. L'ordre du jour du Conseil JAI n'est pas encore définitif. Je rappelle ma position, qui est également celle du gouvernement, en cas de vote: les conditions doivent être intégralement respectées et nous voulons une garantie supplémentaire concernant la réadmission des ressortissants de pays tiers.

(En français) Je ne sais pas s'il est vrai que la presse soit tenue à l'écart des hotspots et, si c'est le cas, j'ignore pour quelle raison. Je me renseignerai. La réadmission des Ouzbeks et Tadjiks doit faire l'objet de pourparlers avec leurs pays respectifs. S'ils ont transité par la Turquie, nous pourrions discuter de leur reprise avec ce pays, mais le nombre de ces cas étant négligeable, ce point n'est pas à l'ordre du jour. La clause de reprise de ressortissants de pays tiers n'entrera en vigueur que le 1er juin. La Belgique a pour politique de rapatrier les étrangers d'abord dans leur pays d'origine. Le mémorandum d'entente n'a pas été signé mais cela n'a pas de conséquences. L'Office des Étrangers a manifesté sa volonté de maintenir la collaboration avec la Direction générale turque de gestion des migrations. Deux délégations turques ont déjà été reçues et une mission à Ankara a été organisée. Depuis des années, nous avons un accord de réadmission avec la Turquie ainsi qu'un accord nous autorisant à utiliser l'aéroport d'Istanbul comme hub dans notre politique de retour et de rapatriement. Le point le plus délicat portait sur l'accord relatif à la coopération policière, qui ne relève pas de ma compétence.

Nahima Lanjri (CD&V): Le secrétaire d'État affirme que la possibilité d'introduire une demande d'asile en Turquie n'est pas exclusivement réservée aux réfugiés syriens. Je pensais que ce n'était pas le cas. Si le problème n'existait pas, je ne vois pas pourquoi l'Union européenne aurait insisté sur ce point.

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): La Turquie n'a pas ratifié la Convention de Genève, mais a récemment ajouté à son arsenal législatif une disposition autorisant les ressortissants de toutes les nationalités à demander l'asile en Turquie. Le gouvernement s'est engagé à ne pas limiter la protection aux ressortissants syriens. Pour répondre à la question sur le déroulement de la procédure d'asile, je vais devoir consulter les rapports de suivi de la Commission européenne.

Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen): Le nombre de noyés a peut-être diminué, mais le nombre de victimes sur terre augmente. En effet, la Turquie refoule des réfugiés à la frontière avec la Syrie et les expose ainsi au danger. De plus, de nouvelles routes de migration vont apparaître. Importe-t-il de savoir où et comment les victimes périssent? Nous proposons la création de portes d'accès légales pour les réfugiés de guerre. Je pense à la réinstallation de ces personnes et à un plan de répartition équitable. Quelles mesures le secrétaire d'État prendra-t-il précisément cette année? Les chiffres que vous présentez, à savoir la réinstallation de 550 personnes dont 250 provenant de Turquie, sont dérisoires et par ailleurs, cette politique n'a pas encore été mise en œuvre. Même les promesses de 2014 et 2015 n'ont pas encore été réalisées. L'accord conclu avec la Turquie pose problème. Ainsi, en Turquie, le droit d'asile n'existe que sur le papier. En pratique, le nombre d'obstacles est tellement élevé que ce droit est illusoire. De plus, la Turquie n'offre pas d'accueil ni de protection appropriés aux réfugiés. Par ailleurs, il arrive qu'une centaine de réfugiés syriens soient renvoyés au-delà de la frontière en une journée. Si toutes ces conditions ne sont pas respectées, pourquoi l'accord conclu avec la Turquie est-il encore appliqué? De plus, les efforts de la Belgique sont bien trop parcimonieux. Notre pays devait accueillir 200 réfugiés venus de Grèce dans le cadre de la 'relocation'. Ils ne sont toujours pas arrivés. La Turquie accueille 2,7 millions de réfugiés; la Jordanie et le Liban assurent également l'accueil des réfugiés dans la région. Des programmes de réinstallation et de 'relocation' auraient permis d'alléger la pression sur ces pays au cours de ces dernières années. Les réfugiés qui se fraient péniblement un chemin jusqu'en Europe – réfugiés pour lesquels le voyage est une promenade selon le N-VA Sander Loones – y reçoivent effectivement une protection. Mais jusqu'à présent, rares ont été les interventions pour soulager les camps de réfugiés installés dans la région ou pour répartir les réfugiés en provenance de Grèce. Il est certes réconfortant d'entendre le secrétaire d'État dire que, dans les circonstances actuelles, la Turquie ne remplissant pas encore les conditions, toute libéralisation du régime des visas est exclue. Mais ne soyons pas naïfs. Ce sera une question d'interprétation. Il arrivera un moment où la Turquie affirmera remplir les conditions. J'espère qu'alors le secrétaire d'État ne fléchira pas et ne s'associera pas à l'interprétation du gouvernement turc.

Nahima Lanjri (CD&V): Cet accord n'est pas le plus bel accord qui ait jamais été conclu mais la perfection n'existe pas. Nous devons à tout le moins nourrir une ambition: faire respecter les dispositions de l'accord signé. Un problème subsiste: tous les réfugiés ne bénéficient pas de l'accueil auquel ils ont droit. Ce n'est pas parce qu'une loi le prévoit que c'est appliqué concrètement. Nous devons veiller à cette application en binôme avec l'Union européenne. Nous devons encourager la Turquie mais ne pas hésiter à la sanctionner si cela s'avère nécessaire. Les témoignages qui nous parviennent des camps de réfugiés en Turquie sont positifs, en réalité. Cependant, il ne suffit pas que certains réfugiés soient bien accueillis alors que d'autres sont mal accueillis ou ne le sont pas du tout. Cela doit changer et nous ne pouvons pas, à cause de l'accord conclu avec la Turquie, accepter des situations qui vont à l'encontre de nos valeurs. Agir de la sorte reviendrait à céder au chantage. Je suis d'accord pour dire que les conditions qui ont été mises à la dispense de visas doivent être remplies à cent pour cent. Je suis bien consciente du fait que la Turquie accueille plus de réfugiés par habitant que les pays européens. Je demande aussi qu'une plus grande attention soit accordée au Liban, qui accueille proportionnellement encore beaucoup plus de réfugiés. J'espère que nous pourrons soutenir ces pays dans le cadre de l'UE, de sorte qu'ils poursuivent leurs efforts. Les réfugiés devraient pouvoir rester le plus près possible de chez eux.

Marco Van Hees (PTB-GO!): Vous affirmez que l'accord est efficace, mais il suffit de vous écouter pour être convaincu du contraire. Vous affirmez que la Turquie ne remplit pas les conditions pour la délivrance des visas. Par ailleurs, avec trois millions de réfugiés, la situation de la Turquie n'est pas tenable. À la question de la reconnaissance de la Turquie comme pays sûr, vous répondez que l'accord est clair mais la Turquie ne le respecte pas! J'ai cité pour preuve les rapports alarmants d'Amnesty International, de MSF et de Human Rights Watch. Je vous rappelle votre propre déclaration du 2 avril: "S'il apparaît que la Turquie renvoie les Syriens vers la Syrie, on ne pourra pas la considérer comme un pays tiers sûr". Dès qu'on en a la preuve, vous devez vous prononcer! Pour 2016, j'ai le chiffre de 1200 noyés pour les côtes turques et les nouvelles routes notamment libyennes. On n'a donc pas réglé la question. Il y a de gros problèmes de respect des droits de l'homme et même de mort d'hommes, à la suite de pratiques turques.

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): Je suis parfaitement conscient que des personnes meurent encore noyées en Méditerranée. Je dis seulement que leur nombre a nettement diminué depuis la conclusion de l'accord avec la Turquie. M. De Vriendt nous dit de ne pas être naïf en ce qui concerne cet accord. Toutefois, c'est faire preuve de naïveté que de parler de routes migratoires légales vers l'Europe! S'il espère obtenir ne fût-ce qu'un quelconque soutien à cet égard au sein de l'UE, il se trompe complètement. En 2015, j'ai repoussé plus loin que jamais les limites belges en matière de migrations d'asile légales. Pourtant, ces efforts ne seront jamais suffisants au regard des immenses flux de réfugiés de ces dernières années. Des millions de personnes souhaitent venir en Europe. À quel chiffre arrivera-t-on? Les tentatives illégales d'atteindre l'Europe cesserontelles ensuite? Ceux qui le pensent sont incroyablement naïfs. Peu importe le nombre de migrations légales, des limites existeront toujours et l'adhésion de notre société à ces migrations sera toujours restreinte. Je remplis mes engagements avec logique et loyauté. Ma position à la table des négociations européenne est la même depuis plus d'un an. Si les chiffres bruxellois en matière d'asile viennent à baisser, je pourrai procéder à un nombre bien plus important de relocalisations et de réinstallations. Durant des mois, un travail de dingue a été accompli en vue d'offrir le gîte et le couvert à chaque nouvel arrivant. Maintenant que la situation s'est quelque peu apaisée, je devrais à nouveau accepter un millier de personnes sans même savoir où les loger? Je ne pense vraiment pas que la population belge y soit favorable. Le fait que nous n'ayons pas encore tenu notre promesse pour 2015 résulte simplement de difficultés opérationnelles rencontrées avec les pays d'origine. Je maintiens mon engagement. Pour la première fois, nous allons réinstaller des migrants en provenance de Turquie. Les vingt premiers arriveront le 25 mai. Cette réadmission était impossible depuis la Grèce, car le dossier des personnes concernées n'était pas en règle aux yeux des autorités grecques. Affirmer que je me tourne les pouces est particulièrement insultant à mon égard, à l'égard de mes services et de mes collaborateurs. Nous faisons absolument tout ce qui est en notre pouvoir pour accueillir les migrants dans notre pays, mais il faut que nos démarches répondent aux exigences de tous les pays concernés et des ONG internationales.

Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen): Actuellement, à peine une réinstallation sur trois promises a été mise en œuvre. Il s'agissait en outre d'un nombre de personnes extrêmement limité. De plus, le flux migratoire déclinant, le secrétaire d'État ferme des places d'accueil. Ne serait-il pas plus judicieux de les conserver pour accueillir les personnes venues de Grèce qui devront être réinstallées? Ne risque-t-on pas dans un an d'avancer l'excuse d'un manque de places d'accueil pour justifier l'absence de réinstallation de réfugiés?

Nahima Lanjri (CD&V): Ne tombons pas dans la malhonnêteté intellectuelle. L'année dernière, la Belgique a dû accueillir environ 40 000 réfugiés, soit plus du double de l'année précédente. Compte tenu de la diminution du flux migratoire, la réduction du nombre de places d'accueil me semble logique. Tout le monde préconise la prudence et le maintien d'un nombre suffisant de places tampon pour faire face à une éventuelle nouvelle hausse de l'arrivée de réfugiés. Outre les places qui n'ont pas été occupées l'année dernière, nous devons assurer cette année, la réinstallation de 550 réfugiés. Le secrétaire d'État a déclaré être prêt à en faire plus, pour autant que le flux migratoire soit maîtrisé et que d'autres pays assument également leurs responsabilités. Si la réinstallation de réfugiés venus de Turquie s'avère trop compliquée, nous pourrions évidemment opter pour l'accueil de Syriens venus du Liban.

Theo Francken, secrétaire d'État (en néerlandais): Nous collaborons avec la Turquie, mais ce processus nécessite un minimum de temps.

Nahima Lanjri (CD&V): S'il apparaît cependant que la Turquie ne coopère pas, je propose une collaboration avec d'autres pays tels que le Liban. Nous pouvons bien sûr également collaborer avec les deux pays.

Marco Van Hees (PTB-GO!): La Turquie ne respecte manifestement pas l'accord mais le secrétaire d'État n'en a cure. Les règles de l'UE ne sont pas respectées. Il y a un plan et il est appliqué, quelles que soient les conditions de vie. On rechigne à accueillir des milliers de réfugiés en Belgique mais la Turquie peut, elle, en accueillir des millions! Face aux causes d'afflux de réfugiés, la pauvreté, les guerres, le gouvernement ne fait que mener une politique belliciste en continuant à envoyer des F- 16, et diminuer l'aide au développement qui est au plus bas. Croire qu'on va régler les problèmes est un leurre: la crise des réfugiés va continuer à s'exacerber. On n'a que des solutions provisoires pour une situation qui est explosive. On prépare les problèmes de demain!