Monsieur le Ministre,

Les 18 et 19 mai derniers, les Etats membres devaient voter le prolongement de l’homologation du glyphosate. Le vote a cependant été reporté.

Sauf surprise de dernière minute, l’homologation de ce produit devrait être prolongée pour une durée de 10 ans. Des études ont démontré des effets potentiellement cancérogènes de cette molécule, tandis que d’autres études ont démontré le contraire. En tous cas, le glyphosate est peu toxique pour l’homme.

Les agriculteurs peuvent difficilement se passer de cette molécule. Le secteur agricole est déjà touché par une crise profonde, qui provoque des pertes de revenus importants. Il s’agit de laisser le monde agricole travailler : c’est lui qui nous nourrit.

Monsieur le Ministre, j’ai lu dans la presse que le Ministre wallon de l’environnement, Carlo Di Antonio, vous avait proposé d’imposer un paquet neutre pour le Roundup, à l’instar de ce qui se fait pour les paquets de cigarettes. Il souhaite également réglementer drastiquement l’utilisation du glyphosate, puisqu’il est compétent en la matière.

Monsieur le Ministre,

-          Pensez-vous qu’instaurer des paquets neutres pour le Roundup va inciter les gens à ne pas en acheter ? Est-ce d’ailleurs vraiment le but recherché dans ce cas-ci?

-          Un objectif de 0% de glyphosate, ou plus largement de pesticides, dans l’agriculture belge vous semble-t-il réaliste à l’horizon 2025, comme le Ministre wallon de l’Environnement le souhaite ?

Je vous remercie.

 

REPONSE DU 1 JUIN 2016

 

Chers membres,

 

J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de vous expliquer les fondements scientifiques de la position défendue par la Ministre de la Santé Publique et moi-même sur ce dossier. Comme vous l’aurez entendu, il n’y a finalement pas eu de vote lors de la réunion des 18 et 19 mai 2016, malgré le soutien de 19 états membres à la proposition de renouvellement de l’autorisation de la Commission européenne. Le dossier sera rediscuté le 6 juin.

 

Madame Gerkens, si nous devions suivre votre logique, nous devrions nous opposer à tous les produits phytopharmaceutiques, y compris les biopesticides, puisque tous les dossiers d’autorisation contiennent des études réalisées par l’entreprise demandeuse, sur base de la législation européenne en vigueur. L’important est ici de s’assurer de la crédibilité du système : ainsi les études réalisées par l’industrie ne  sont qu’une petite partie des études analysées et toutes les autres études pertinentes et publiées sont également analysées. D’autre part, ces études des industries sont liées à des standards de bonnes pratiques de laboratoire, c’est-à-dire conformément à un système de qualité contrôlé par les autorités et assurant transparence et traçabilité.

 

D’autre part, il serait irresponsable de ne pas tenir compte des études financées par l’industrie, qui, contrairement aux études publiées, contiennent toutes les données brutes et toutes les observations individuelles. Ces données sont précieuses pour l’analyse des mécanismes toxicologiques.

 

Concernant la confidentialité, la réglementation en vigueur prescrit quelles sont les informations qui ne sont pas à considérer comme étant confidentielles : les résumés des études ne sont pas confidentiels et sont dès lors publiés par l’EFSA mais les études elles-mêmes ne figurent pas dans cette liste des éléments non-confidentiels. Actuellement, la Cour de Justice européenne se penche sur la question de savoir dans quelle mesure les études soumises dans le contexte de demandes d’autorisation de produits phytopharmaceutiques sont à considérer comme étant confidentielles et devra se prononcer prochainement sur la question.  J’analyserai avec intérêt ses conclusions et prendrai les mesures qui s’imposent, la transparence étant pour moi essentielle dans le cadre de sujets aussi sensibles.

 

Concernant l’EFSA, celle-ci publie sur son site web la liste des organisations nationales dont les représentants participent aux réunions de préparation pour les Conclusions sur une substance active pesticide, et invite ces experts nationaux à soumettre une déclaration d’intérêt et analyse ces déclarations d’intérêt. Cependant, ces déclarations ne sont publiées qu’avec l’accord de l’expert. En effet, sachant que des experts impliqués dans l’évaluation du glyphosate ont déjà reçu des messages fort agressifs voire menaçants, on comprend facilement qu’ils ne souhaitent pas que leurs noms soient divulgués.

 

Pour les représentants au Comité permanent, il ne sont pas invités par la Commission européenne à soumettre une déclaration d’intérêt. En effet, ces représentants ne participent pas à titre personnel mais en tant que représentant officiel de leur Etat membre. De plus, permettez-moi de m’interroger sur l’utilité démocratique de connaître le nom de ces personnes, alors que les risques d’utilisation abusive sont flagrants.

 

Concernant les nouvelles études demandées à l’agence européenne des produits chimiques, je rappellerai qu’il existe déjà, pour le glyphosate, une classification harmonisée au niveau européen. Selon cette classification, le glyphosate n’est pas carcinogène. Comme pour les autorisations des substances actives, et sur base du principe de précaution, cette classification est régulièrement mise à jour. La mise-à-jour pour le glyphosate est actuellement en cours. La proposition de la Commission pour le renouvellement de l’approbation du glyphosate précise que l’approbation sera revue sans délai dans le cas d’une modification de cette classification harmonisée, et prendra donc ces nouvelles études en compte.

J’en viens maintenant aux questions de Mme Cassart. Mon administration travaille sur la problématique des étiquettes et emballages des produits destinés aux non-professionnels depuis un certain temps déjà. En effet, l’abondance des informations obligatoires et non-obligatoires sur les étiquettes et sur les emballages des produits phytopharmaceutiques pourrait poser un problème de lisibilité et entraîner la confusion de l’utilisateur amateur. 

Enfin,  dans le cadre du Plan fédéral de réduction des pesticides, mon administration étudie  depuis 2013 des mesures complémentaires qui pourraient encore réduire le risque pour les utilisateurs amateurs. Une douzaine de mesures sont à l’étude, dont notamment l’une portant sur la standardisation des étiquettes en imposant un format et un contenu.

Au-delà de la meilleure lisibilité de l’étiquette, la mesure pourrait avoir un effet dissuasif sur les utilisateurs potentiels en réduisant l’attractivité des emballages.

Vous soulignez d’autre part la volonté du ministre wallon de développer une agriculture wallonne sans pesticides. Je suis évidemment favorable à la diminution de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Néanmoins, je reste pour autant réaliste : l’agriculture biologique utilise également des produits phytopharmaceutiques, et même si je promeut le Plan fédéral de réduction des pesticides et le développement d’alternatives aux produits chimiques, une agriculture qui pourrait se passer totalement de pesticides ne me parait pas réaliste.

Mon objectif est de pouvoir proposer des produits phytopharmaceutiques qui répondent aux problèmes de terrain tout en étant sûrs pour la santé humaine et l’environnement, et efficaces. Nous devons aussi assurer la protection phytosanitaire de nos cultures face aux maladies et parasites, tant connus que futurs.