Questions jointes de - Mme Muriel Gerkens au ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale, sur "les normes de l'AFSCA relatives aux tartes au riz" (n° P1284) - Mme Caroline Cassart-Mailleux au ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale, sur "les normes de l'AFSCA relatives aux tartes au riz" (n° P1285) - M. Michel de Lamotte au ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale, sur "les normes de l'AFSCA relatives aux tartes au riz" (n° P1286)

Muriel Gerkens (Ecolo-Groen): Monsieur le président, monsieur le ministre, qu'est-ce qu'un pays où on autorise le Roundup et où on interdit la tarte au riz? Monsieur Frédéric, je sais que vous serez avec moi pendant ma question; je vous intègre dans ma mobilisation et dans ma motivation. Des contrôles ont été faits, des études, nombreuses, ont été réalisées pour essayer de prouver que la vraie tarte au riz artisanale, qui n'est pas gardée au frigo entre la cuisson et la vente, ne contenait pas de germes nuisibles pour la santé. Résultat: il n'y en a effectivement pas. Les statistiques des intoxications alimentaires pour avoir consommé une tarte au riz artisanale produite et vendue de cette manière sont de 0 %. Pourquoi encore et encore exiger des challenge tests vis-à-vis de ces artisans boulangers? Monsieur le ministre, nous avons réellement des problèmes de santé liés à un manque de qualité de l'alimentation: trop de sucre, trop de sel, trop de graisse, trop de pesticides dans l'alimentation industrielle. Mais à qui menons-nous la vie dure? Aux artisans qui utilisent des produits sains et naturels, qui les consomment de manière artisanale via des méthodes éprouvées et les vendent en circuit court aux consommateurs. Allez-vous exiger de l'AFSCA qu'elle change son orientation de manière à aider les petits producteurs artisanaux à travailler dans le respect des règles de l'hygiène, adaptées à leurs produits et aux circuits courts, plutôt que de gaspiller son énergie à vouloir sans arrêt prouver que tout doit être aseptisé? Allez-vous, monsieur le ministre, vérifier et exiger que les personnes qui, au sein de l'AFSCA, sont chargées d'aider ces petits artisans, ces petits producteurs à élaborer des guides de bonnes pratiques, notamment en matière d'hygiène, remplissent leurs missions à fond et que les services de contrôle et d'inspection ne sabotent pas tout ce travail en venant inspecter sur base de règles qui sont des règles hygiénistes industrielles?

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le président, monsieur le ministre, l'actualité en province de Liège cette semaine, et plus particulièrement à Verviers, a été intense. Selon certains articles, la tarte au riz serait menacée par l'AFSCA. Je relaie ici évidemment ce qui se dit dans la presse. On a parlé de lait pasteurisé, de lait cru. Ce ne serait pas la recette qui poserait problème mais bien la conservation. Une étude a été demandée par l'AFSCA pour vérifier la température de conservation. L'AFSCA a des missions. Je ne les conteste pas. Le rôle important que joue aussi l'AFSCA dans le contrôle de cette chaîne alimentaire par rapport à la protection du consommateur, je ne le conteste pas non plus. Par contre, je suis une grande défenseur qui souhaite protéger les producteurs locaux et artisanaux. Oui, le circuit court, les petits producteurs constituent un pan de notre économie que nous ne devons pas négliger. L'AFSCA doit rester dans son rôle. Elle ne doit pas aller plus loin, j'insiste. Vous avez renforcé la cellule "petits producteurs" au sein de l'AFSCA. Cela va dans la bonne direction. Le but, c'est de défendre les producteurs locaux et non pas de réglementer, d'interdire, d'aller trop loin ou de faire cela par plaisir. Monsieur le ministre, pouvez-vous, dès aujourd'hui, nous faire l'état des lieux de la situation? Avez-vous eu des concertations ou des contacts avec le secteur? Vous savez, comme moi, que dans bien des situations, vous avez dialogué et vous avez pu trouver des solutions. Je demande que ce dialogue et cette concertation fassent leurs preuves et que la cellule "petits producteurs" de l'AFSCA puisse trouver des solutions adaptées au terrain. Je vous remercie pour les solutions que vous pourrez trouver et les réponses que vous m'apporterez.

Michel de Lamotte (cdH): Monsieur le président, monsieur le ministre, après le fromage de Herve il y a quelques mois, un autre de nos produits traditionnels de la province de Liège est d'actualité. Je parle des tartes au riz verviétoises. Il semblerait en effet que l'AFSCA s'interroge sur leur fabrication et leur production. D'une part, la spécialité est fabriquée à base de lait cru, donc non pasteurisé, et serait donc susceptible de poser problème sur le plan bactérien. D'autre part, pour respecter son goût et son onctuosité, elle est conservée à température ambiante par les boulangers-pâtissiers qui sont des artisans, monsieur le ministre, j'insiste sur ce terme. Une étude scientifique indépendante afin de déterminer la température idéale de conservation de la tarte au riz aurait d'ailleurs été commandée par l'AFSCA et les résultats seraient attendus pour le mois de septembre. Même si le rôle de l'AFSCA est de contrôler et d'assurer la sécurité alimentaire, ce qui doit bien entendu être garanti, cela ne doit pas entraîner la perte de produits de tradition. Et l'AFSCA doit évidemment également développer, et j'insiste, la mission de prévention, de conseil et d'accompagnement des producteurs, et en particulier des petits producteurs. Je pense qu'elle n'a pas retenu toutes les leçons de l'épisode précédent. Dans la tendance actuelle de la recherche de produits de qualité et des circuits courts, je m'étonne de cet excès de zèle pour incriminer les produits de tradition qui mettent en évidence le savoir-faire de nos artisans pâtissiers-boulangers. Monsieur le ministre, quelle est la position actuelle de l'AFSCA concernant l'utilisation du lait cru et la conservation à température ambiante des tartes au riz traditionnelles? Une étude scientifique a-telle bien été commandée? Cette étude ne concerne-t-elle que l'aspect de conservation? Les résultats sont-ils effectivement attendus pour septembre? Quelles suites pourraient-elles être données à cette étude? Une interdiction de conservation à température ambiante, et donc une remise en question du processus de fabrication traditionnel, est-elle à l'ordre du jour?

André Frédéric (PS): Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel.

Le président: C'est bien parce que vous êtes le premier vice-président, monsieur Frédéric! Une petite phrase.

André Frédéric (PS): Monsieur le président, je ne veux pas user de mon pouvoir de premier vice-président. J'interviens en raison d'un fait personnel: Mme Gerkens m'a interpellé. Je suis député de l'arrondissement de Verviers. Hier ou avant-hier, j'avais déposé une question à ce sujet, qui n'est pas remontée en séance plénière. Je m'en étonne. En tout cas, je ne voudrais pas qu'on ne prenne pas au sérieux le problème posé, qui touche à l'artisanat local. Je pense que M. le ministre défend les petits indépendants. En tout cas, moi, je le fais!

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Lui aussi!

André Frédéric (PS): Il s'agit d'un problème de protection des consommateurs, d'un sujet d'intérêt général, d'une question de gastronomie et de folklore local. J'ai déjà lu les réponses de M. le ministre dans la presse et j'espère qu'il va confirmer qu'on va continuer à laisser ces artisans produire la tarte au riz dans l'arrondissement de Verviers.

Le président: La parole est au ministre.

Willy Borsus, ministre: Monsieur le président, chers collègues, la tarte au riz est, de façon inattendue, mise à l'honneur en notre parlement fédéral. Que se passe-t-il donc, très chers amis? Inutile de vous rappeler, certains membres de l'opposition viennent même de le faire et je les en remercie, à quel point je suis attaché au travail des indépendants, mais aussi à leur statut, aux artisans, aux traditions qui valorisent nos différents produits agricoles. Il n'est donc pas question de les mettre en doute ou de les remettre en question. Je commencerai par un peu d'histoire collective, si vous le voulez bien. Nous sommes sous le gouvernement Martens II en février 1980. Un arrêté établit les conditions de conservation de plusieurs produits et fixe à sept degrés la température maximale. Quelques années plus tard, en juillet 2014, monsieur Frédéric, la ministre de la Santé de l'époque et ma prédécesseure cosignent l'arrêté ministériel qui confirme et précise les mêmes conditions de conservation des produits frais et d'autres productions. Ce qui est aujourd'hui en cause n'est effectivement pas la production. Excusez-moi de vous corriger, monsieur de Lamotte, mais la tarte au riz est cuite. On ne parle donc pas de lait cru ni de lait pasteurisé, puisque, par définition, il s'agit bien sûr d'un produit qui est cuit. Désolé pour cette erreur. Je pensais que vous connaissiez magnifiquement cette production. Ce qui est en cause ici est donc la conservation. L'étude qui est menée est assez simplement configurée. Elle consiste à dire: peut-on déroger par un acte juridique aux dispositions de ces deux arrêtés ministériels successifs, de manière à consacrer cette tolérance qui est aujourd'hui constatée et appliquée par les services de l'AFSCA, permettant aux producteurs locaux, singulièrement de Verviers et de l'arrondissement, de continuer à conserver la tarte au riz en dehors de leurs frigos et en dehors donc du spectre des sept degrés? C'est évidemment mon souhait. Chers collègues, je rappelle que cette étude a seulement pour but de voir si on peut, institutionnellement, juridiquement, consacrer cette dérogation qui est aujourd'hui une tolérance pratiquée sur le terrain. En toute transparence, lorsque cette étude me sera connue, elle sera bien sûr partagée. Je voudrais à cet égard rappeler que j'ai mis en place la cellule "petits producteurs". Je l'ai dotée d'un budget de plus de 900 000 euros avec des engagements prévus, avec autour de la table les interlocuteurs régionaux, les structures représentatives, l'AFSCA. Nous avons créé ce forum de dialogue permanent justement pour réussir ce dialogue entre les petits producteurs, la proximité, la transformation artisanale et une sécurité alimentaire raisonnablement pensée et bien comprise, à laquelle toutes et tous nous sommes attachés. Bien plus, nous avons boosté le service de médiation de l'AFSCA pour que, s'il subsiste des espaces d'incompréhension malgré tous nos efforts, on puisse porter devant ce service de médiation ces éventuelles récriminations. Alors, je tiens à vous rassurer: il n'y a pas de sombre dessein. Il n'y a pas de complot qui me soit connu. Il n'y a pas de sombre stratégie ourdie quelque part en ce pays pour tenter de porter atteinte pas plus à la tarte au riz du pays de Verviers qu'à tout autre produit de tradition en particulier. Puisqu'il me reste encore quelques secondes, je voudrais faire une petite distinction. Questions multiples égalent une réponse un peu plus longue! Je voudrais vous rappeler qu'il y a une distinction à faire entre ce dossier et celui du fromage de Herve. Ne commettez pas cette erreur. Qu'a-t-on constaté dans le dossier Munnix? On avait là un dépassement pathogène important de listeria, qui a conduit à une série de propositions de conciliation, en ce compris l'accompagnement permanent et le rachat par la ville de Herve des produits concernés. Je me suis déplacé personnellement avec les services de l'AFSCA pour la conciliation, afin de tenter de trouver une solution dans ce dossier. Malheureusement, cette conciliation n'a pas pu aboutir. Mais je rappelle que la production artisanale de fromage de Herve existe encore. J'ai eu l'occasion de rendre visite de grand matin à la productrice. Ne mettons pas du tout notre lait cru, pas plus que tous nos œufs, ni tout notre beurre, ni toutes nos viandes dans le même panier. Ensemble, veillons à la sécurité alimentaire et au respect d'un certain nombre de produits de qualité que nous apprécions toutes et tous, et que vous avez mis à l'honneur dans ce parlement cet après-midi.

 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, nous vous entendons dire que vous voulez défendre ces indépendants, ces artisans et les produits du terroir; c'est tant mieux! Mais cela exigera une énergie de votre part, plus forte encore que celle que vous nous décrivez. En effet, si la cellule qui travaille à aider les artisans à élaborer des guides de bonnes pratiques - comme je l'ai dit dans ma question -, est sans arrêt contredite ou sabotée par des services de contrôle et d'inspection qui viennent avec d'autres règles et d'autres critères, ces artisans disparaîtront. Monsieur le ministre, je m'étais dit que j'allais vous offrir un bon morceau de tarte de Tancrémont, bien moelleux. Et puis je me suis dit que non, parce qu'il faut anticiper. Si nous continuons avec cette technique-là et ces exigences-là, qu'arriverat-il? Ces tartes-là n'existeront plus! J'ai donc voulu éviter de vous faire l'affront de vous offrir une assiette vide. Mais c'est cela qui risque d'arriver! Plus d'artisans, plus de tartes au riz, plus de produits du terroir vendus en circuit court.

Laurette Onkelinx (PS): (…)

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Madame Onkelinx, j'ai effectivement toujours eu mon un franc-parler. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour votre réponse. Oui, vous avez des solutions. Oui, vous l'avez déjà démontré dans le passé. Oui, cette cellule de petits producteurs est en place et va continuer à travailler. En revanche, même s'il s'agit ici d'une boutade, je me pose la question de savoir comment certains ministres qui ne sont pas compétents pour l'AFSCA et qui siègent dans d'autres assemblées peuvent prendre position à ce sujet. Ils feraient bien mieux de se pencher sur leurs matières, les matières agricoles, qui en ont grandement besoin!


Michel de Lamotte (cdH): Monsieur Borsus, vous avez des oreilles à géométrie variable. Vous ne m'avez pas écouté. J'ai parlé de conservation par les artisans boulangers au moment de la vente. Comme l'a dit aussi ma collègue, je voudrais insister sur le fait qu'à partir du moment où on crée des guides de bonnes pratiques, il faut qu'ils puissent être intégrés par ceux qui sont chargés de l'inspection de ces pratiques. Assurons-nous que les épisodes comme celui du fromage de Herve ou de la tarte au riz ne se reproduisent plus, que les missions de conseil, de prévention et d'accompagnement se poursuivent et, qu'en interne, les éléments soient connus. Il en va de la survie des artisans boulangers-pâtissiers, du respect des produits artisanaux et de nos produits du terroir. Je plaide pour cette diversité dans nos échoppes et magasins.