Monsieur le Ministre,

Les parlementaires européens se sont majoritairement positionnés en faveur des négociations de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Il est temps pour l’Union européenne de saisir les opportunités qui existent, particulièrement en Amérique du Sud, en baissant les tarifs et en supprimant les barrières non-tarifaires.

Il faut être ambitieux pour cet accord. Ambitieux, mais néanmoins prudents. Prudents, car certains secteurs sont particulièrement sensibles. Je ne vous étonnerai pas, Monsieur le Ministre, si je vous dis que je pense surtout à l’agriculture. Notre agriculture souffre, et cette situation ne date pas d’hier. C’est pourquoi il me semble primordial de veiller à protéger les intérêts de nos producteurs, mais aussi des consommateurs européens et belges.

Monsieur le Ministre,

-          Quelle est votre position vis-à-vis des négociations de libre-échange avec le Mercosur au niveau de l’agriculture ? Doit-on vraiment craindre le marché sud-américain ?

-          Les normes sanitaires dans les pays faisant partie du Mercosur devront-elles être revues ? Comment ?

-          Comment protéger l’agriculture européenne dans ces négociations, particulièrement les secteurs du porc et de la volaille ?

-          Quels sont les secteurs agricoles européens offensifs par rapport au Mercosur, et comment les intégrer dans les négociations sans porter préjudice à des secteurs plus fragiles ?

 

Question orale de Caroline Cassart, Députée, à Didier Reynders, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères, sur l’exclusion de la viande bovine des négociations entre l’UE et le Mercosur

 

Le 11 mai dernier, la Commission européenne présentait l’offre d’accès au marché de l’UE dans le cadre des négociations de libre-échange avec le Mercosur, le marché commun d’Amérique du Sud. Une inquiétude existait au sein du secteur agricole : la viande bovine allait-elle faire partie de cette offre d’échange ?

Pour rappel, le Mercosur, c’est un territoire qui compte 298 millions d’habitants. C’est la zone la plus dynamique dans l’hémisphère Sud. C’est également le troisième marché intégré au monde, après l’Union européenne et l’ALENA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain, entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada).

Le 11 avril dernier, lors du Conseil des Ministres de l’Agriculture, La Belgique, à l’instar d’autres Etats membres, a plaidé pour que la viande bovine soit exclue de ces négociations. Il s’agit en effet d’un secteur sensible, déjà traversé par une crise profonde. En effet, le risque aurait été de voir les prix de la viande bovine européenne baisser drastiquement. Or, si l’on cherche évidemment, grâce aux accords de libre-échange, à amener de la valeur ajoutée à notre économie, ce ne doit pas être au détriment de notre agriculture. Et c’est exactement la raison pour laquelle vous avez demandé à la Commission européenne d’exclure la viande bovine, ainsi que d’autres produits agricoles sensibles, de l’offre d’échange.

Monsieur le Vice-Premier Ministre :

-          Mes informations sont-elles correctes ?

-          Quels sont exactement les produits qui sont exclus de l’offre d’échange, en dehors de la viande bovine ? Pourquoi le sont-ils ?

-          Quels sont les critères pour qu’un produit agricole soit considéré comme « sensible » ?

-          Le secteur est-il satisfait de cette décision de la Commission européenne, prise grâce à votre opposition et à celle d’autres Etats membres ?

-          Quelles sont, d’un autre côté, les opportunités de ces négociations de libre-échange avec le Mercosur pour notre économie ?

Je vous remercie.

 

REPONSES – 21 juin 2016

Permettez-moi, Madame la Députée, de combiner mes réponses à vos deux questions orales sur les négociations de l’UE avec le Mercosur. 

De manière générale, la relance de ces négociations a accumulé beaucoup de retard, notamment en raison des difficultés de nos partenaires du Mercosur à mettre sur la table une offre suffisamment ambitieuse.  Vu nos intérêts offensifs et diplomatiques, la Belgique s’est régulièrement exprimée en soutien à la relance de ces négociations. Mais comme je l’indiquais à ma collègue argentine il y a quelques semaines, cela doit se faire en tenant compte des sensibilités de notre secteur agricole et en parfaite cohérence avec les efforts des Ministres de l’agriculture européens pour soutenir ce secteur dans les difficultés actuelles.  En coordination avec les Régions, la Belgique a dès lors attiré l’attention de la Commission européenne sur les produits agricoles sensibles, dont les viandes, ainsi que la production d’éthanol. 

La liste européenne des produits agricoles sensibles a été établie par la Commission sur la base d’études d’impact, d’une coordination interne avec  les services agricoles de la Commission, et bien sûr en consultation avec les Etats Membres parmi lesquels la Belgique.  Je peux vous confirmer que la Commission a effectivement tenu compte des priorités défensives belges.  L’ouverture pour nos produits agricoles sensibles a en effet été fortement réduite et assortie de mesures d’exclusion pour certains produits, de report du chiffrage des contingents européens offerts pour d’autres produits sensibles, de restrictions quantitatives et  de limitations tarifaires, ainsi que de périodes transitoires pour l’ouverture de nos marchés.  

Quant à nos intérêts offensifs, les offres européennes sont conditionnées à une ouverture réelle des marchés industriels et agroalimentaires du Mercosur, ce qui passe par une amélioration de l'offre de  réductions tarifaires annoncées pour les produits européens, ainsi que par une levée des barrières non-tarifaires injustifiées, également sur les plans sanitaire et phytosanitaire.  En plus de nos intérêts d’exportation industrielle traditionnels, notre pays compte aussi plusieurs intérêts offensifs dans la filière agro-alimentaire, avec ses bières, ses frites surgelées, ainsi que sa production de gélatine.  Les négociations avec le Mercosur doivent permettre à l’Union européenne et la Belgique de s’ouvrir à un marché peu ouvert pour l’ensemble de nos biens et services. Le Mercosur n’a en effet conclu que peu d’accords commerciaux internationaux.  Ces négociations représentent donc une opportunité unique de gagner un avantage compétitif sur nos concurrents.  De plus, chaque négociation commerciale présente une opportunité de bénéfice mutuel pour les produits semi-finis et services non-concurrents.