Monsieur le Ministre,

Je suis intervenue à plusieurs reprises concernant la transition entre l'ancien et le nouveau système de calcul des cotisations sociales. Premièrement, pour l'année 2015, 41.397 indépendants ont utilisé les possibilités d'ajustement de leurs cotisations sociales provisoires. Cela représente 4,1% des indépendants. C'est un bon début mais ce n'est pas assez!

Deuxièmement, il n'existe pour les indépendants à titre principal que deux seuils d'ajustement à la baisse: 13.010,66 € et 26.021,32 €. Vous m'aviez annoncé que cette rigidité devait être corrigée, d'autant plus qu'elle a fait l'objet de critiques de la part des indépendants dont les revenus étaient en baisse mais à un niveau ne correspondant pas aux seuils de réduction.

Enfin, vous m'avez également fait part de la problématique des travailleurs indépendants dont les revenus en 2012, 2013 et/ou 2014 étaient exceptionnellement bas. Suite à la réforme, ces années entrent encore en ligne de compte pour le calcul des cotisations provisoires mais plus pour le calcul des cotisations sociales définitives de 2015, 2016 et/ou 2017. Ces travailleurs indépendants peuvent éventuellement se dire lésés par la réforme étant donné que dans l'ancien régime pour l'année 2015, 2016 et/ou 2017, ils pouvaient s'attendre à des cotisations sociales basses. A cet égard, vous m'avez également annoncé que votre cabinet allait opérer une évaluation complète de la proposition faite par le Comité de monitoring.

Monsieur le Ministre,

§  Pouvez-vous déjà me dire si davantage d'indépendants utilisent les possibilités d'ajustement? Le pourcentage de 4,1 est-il en augmentation? A défaut, qu'est-il envisageable de faire pour augmenter ce pourcentage?

 

§  Pouvez-vous me dire si l'idée de mettre en oeuvre des seuils supplémentaires de réduction des cotisations provisoires a fait son chemin? Est-il toujours d'actualité et, si oui, quand sera-t-il mis en oeuvre?

 

§  Disposez-vous des résultats de l'évaluation menée par votre cabinet suite à la proposition du Comité de monitoring? Quels sont-ils?

 

 

 

Réponse de Willy Borsus à la question n° 13737 de Madame Caroline Cassart-Mailleux:

Chers collègues, on le sait, la réforme des cotisations sociales avait prévu ce mécanisme d'évaluation portant sur les impacts de la réforme, notamment sur son article 16. Cette évaluation doit être réalisée par le comité général de gestion pour le statut social des travailleurs indépendants. La loi disait dans les quatre ans après son entrée en vigueur, c'est-à- dire au maximum d'ici fin 2018.

Le comité devrait dès lors entamer ses travaux dans le courant de 2017. Je ne souhaite pas attendre cette échéance puisqu'on dispose déjà d'un certain nombre d'indications. J'ai pris l'initiative de réunir le comité de monitoring de la réforme qui rassemble les parties prenantes à la réforme: les organisations représentatives, les caisses d'assurance sociale, l'INASTI, la DG Indépendants ainsi que les instituts de comptables et réviseurs d'entreprises. Ce comité est présidé par mon cabinet. Il s'est réuni à sept reprises. Outre cela, l'application sur le terrain est suivie de près dans le cadre d'un groupe de travail technique, composé des caisses de l'assurance sociale, de l'INASTI et de la DG Indépendants du SPF Sécurité sociale.

Le premier point, c'est effectivement la problématique des seuils de réduction sous lesquels les revenus doivent avoir chuté pour que l'indépendant puisse obtenir une réduction de ses cotisations provisoires. Pour l'indépendant à titre principal, il existe deux seuils, je l'ai évoqué dans le bilan PME, soit de 13 010,66 euros, soit de 26 021,32 euros. Le comité de monitoring a réalisé une évaluation, trimestre après trimestre, des ajustements effectués par les indépendants. En 2015, 16 247 indépendants ont obtenu de payer des cotisations provisoires réduites et 25 150 indépendants ont demandé une adaptation à la hausse. Comparé au 1 035 469 d'indépendants assujettis au 31 décembre 2015, ces 41 397 indépendants représentent, comme vous l'avez indiqué Mme Cassart, 4 % des indépendants.

Pour 2016, à mi-année, les caisses d'assurance sociale ont déjà répertorié 17 059 réductions et 19 777 augmentations, soit un total de 36 836 bénéficiaires de cette possibilité d'adaptation. Compte tenu des comportements observés en 2015, nous pouvons tabler pour fin 2016 sur un nombre total de bénéficiaires de ces adaptations en hausse par rapport à 2015.

Avant de répondre à la question de ce qui peut être réalisé pour augmenter le pourcentage d'utilisation, je dois préciser qu'il n'y a pas d'objectif particulier par rapport à un pourcentage précis de bénéficiaires à atteindre. D'ailleurs, bon nombre d'indépendants ont des revenus qui fluctuent peu ou des revenus très bas ou très hauts, dont la fluctuation n'a pas d'impact sur les cotisations minimales ou maximales qu'ils paient. L'objectif, ici, est qualitatif, à savoir qu'à terme, tout indépendant qui, par souci de bonne gestion, de bonne gouvernance, de gestion économique, veut adapter ses provisions de cotisations à sa situation économique actuelle doit être en mesure de le réaliser.

Aujourd'hui, je reçois des témoignages d'indépendants qui sont exclus de cette possibilité d'adaptation. Le frein majeur à cet objectif qualitatif se trouve en effet dans le système des seuils de réduction, comme vous le dites. Concrètement, un certain nombre d'indépendants est exclu de cette possibilité. Exemple: n'est pas inclus dans les seuils celui dont les revenus baissent de 24 000 euros en 2013 à 16 000 cette année ou celui dont les revenus ont chuté à 35 000 euros. Compte tenu des incertitudes qui existaient avant 2015 sur les comportements des indépendants, la loi n'a prévu de nouveaux seuils qu'après l'évaluation du fonctionnement du dispositif. Compte tenu des chiffres évoqués ciavant, j'ai l'intention d'ajouter rapidement plusieurs seuils - quatre, je l'ai indiqué tout à l'heure. Le dossier de l'amélioration de la réforme sera très prochainement déposé sur la table du gouvernement sans attendre 2018.

La seconde problématique est celle des revenus bas des années passerelles de 2012, 2013 ou 2014, période intermédiaire. Il en va de même de cette problématique puisqu'il s'agit de la situation de ces indépendants qui ont connu un revenu bas, voire exceptionnellement bas lors de cette période intermédiaire. Ces derniers attendaient 2015, 2016 et 2017 pour payer les cotisations plus basses en fonction de l'ancien système qui calculait leurs cotisations sur les revenus des années antérieures.

Avec la réforme, leur revenu bas passe à la trappe, ce qui les prive d'une bulle d'oxygène attendue si toutefois leurs revenus n'ont pas spectaculairement augmenté durant ces dernières années. Ce sont des situations délicates où les indépendants estiment, à juste titre, que leur sécurité sociale ne tient pas compte de leur situation financière moins bonne juste avant la réforme. C'est interpellant et je n'aime pas que des personnes soient laissées au bord du chemin. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé qu'un groupe de travail se charge spécialement, au sein du comité de monitoring, de développer une mesure de correction. Leur proposition est de mettre en œuvre un mécanisme correctif pour trois ans via un crédit de cotisations qui tient compte de la moyenne de revenus de référence selon l'ancien et le nouveau système. Cette correction serait appliquée lors de la régularisation des cotisations 2015, 2016 et 2017.

Cette proposition doit aussi être intégrée dans le dossier d'amélioration de la réforme. Il y a peut- être encore d'autres possibilités d'amélioration auxquelles on va également réfléchir. Ce qui est sur la table, c'est l'hypothèse selon laquelle les personnes perdantes de la réforme pourraient valoriser tout ou partie de ce qu'elles ont "perdu" pour se constituer une cagnotte de cotisations futures qu'elles déduiraient de ce qu'elles devraient à l'avenir, par exemple. On réfléchit à tout cela avec un grand nombre d'interlocuteurs, que je remercie d'ailleurs pour tout leur travail au comité de monitoring.

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le ministre, merci d'avoir fait le point sur cette législation. Vous avez raison: l'objectif n'est pas quantitatif. Je vous rejoins tout à fait: il est qualitatif. On répond aux besoins de certains indépendants. C'est une possibilité en cas de hausse ou de baisse de revenus, mais tout le monde n'est pas concerné.

Par contre, vous dites que beaucoup d'indépendants ont des revenus stables. Cela me fait plaisir parce que je me dis qu'à un moment donné, il y a des secteurs et des milieux où cela fonctionne bien aussi. Le fait que vous introduisiez de nouveaux seuils, cela répond aux besoins du secteur. Cette réforme va dans la bonne direction.