La situation économique des agriculteurs n’a pas été au beau fixe, en 2015, entraînant de facto une diminution des ventes de produits liés au domaine agricole, à commencer par les tracteurs. Et 2016 ne s’annonce pas meilleur…

En effet, selon Fedagrim, la Fédération des importateurs, constructeurs et distributeurs de matériel agricole, horticole et d’élevage, les ventes de tracteurs auraient baissé de 20% par rapport à 2014. En cause : les prix particulièrement bas du lait et des céréales.

Dès lors, c’est tout un secteur qui se trouve impacté de la frilosité des agriculteurs à investir dans du matériel neuf.

 

Monsieur le Ministre :

-          Avez-vous pris connaissance des difficultés rencontrées par les entreprises qui dépendent directement du secteur agricole, telles que les vendeurs de tracteurs par exemple ?

-          Sont-ils optimistes pour l’avenir ?

-          Peuvent-ils compter sur la volonté des agriculteurs de se doter d’outils plus technologiques, plus performants, et plus respectueux de l’environnement ?

-          Existent-ils des systèmes qui pousseraient les agriculteurs à investir dans ce type de matériel, par exemple des primes ou des subsides spécifiques ?

-          Avez-vous rencontré des représentants de Fedagrim ? Qu’en est-il ressorti ?


Je vous remercie.

 

 Caroline CASSART-MAILLEUX


 

REPONSE De Willy Borsus, ministre à la question n°17243 de Caroline Cassart-Mailleux:

Madame CassartMailleux, la situation du secteur agricole a été extrêmement difficile en 2016, mais elle l'était déjà auparavant pour certains de ses professionnels. La crise des prix, l'embargo russe et les difficultés sanitaires ont affecté tout d'abord la filière porcine. Par ailleurs, pour d'autres raisons, les secteurs laitier et viandeux ont été également concernés à partir de 2016. Ensuite, s'agissant des productions végétales, l'année a été marquée par des conditions climatiques défavorables, de sorte que les productions céréalières en ont aussi souffert.

Dans le monde agricole, on a parfois envie d'oublier certaines années. Je me souviens de la grande sécheresse de 1976, qui fut une année particulièrement exécrable, mais aussi de 2009, où les fermiers versaient le lait dans les champs tellement ils étaient désespérés et voulaient frapper les esprits. Pour des raisons différentes, 2016 restera également marquée d'une pierre noire dans la mémoire des agriculteurs, mais aussi dans celle des analystes et dans la mienne.

Comme vous l'évoquez, on sait que tout ce qui tourne autour de l'agriculture vit fortement de l'agriculture. C'est évident. Il en va bien sûr aussi de l'investissement, du matériel, de la commercialisation des machines. J'ai rencontré récemment les responsables d'une grande laiterie coopérative qui vend aussi du matériel annexe pour les agriculteurs. Les personnes de cette coopérative me disaient: "Le lien est presque mécanique. Quand le prix du lait est bas, nos représentants ne vendent presque pas de ce matériel annexe." Il en va presque de même en ce qui concerne les fournitures et les investissements en machines.

Mes services et moi-même sommes régulièrement en contact avec le monde agricole, mais aussi avec les fédérations qui gravitent autour: les fédérations alimentaires, et ici, en en l'espèce, la fédération des aliments pour animaux. Le secteur bancaire est observateur mais aussi partenaire privilégié, de même que, plus récemment, Fedagrim qui représente le secteur des fournisseurs de machines et de matériel aux agriculteurs. Dans son dernier rapport, publié en mars 2017, Fedagrim pointe le fait que la grande volatilité des prix et les incertitudes sur les possibilités de production inquiètent de plus en plus les éventuels repreneurs d'exploitations agricoles, et ont un impact sur les investissements.

C'est la raison pour laquelle je plaide pour que, dans le contexte de la PAC post-2020, et dans celui de la gestion des crises, des outils soient mis en place - comme un filet de sécurité -, et pour le renforcement de la place des producteurs dans la chaîne alimentaire. Des outils de préservation des marchés agricoles doivent aussi être mis en place. C'est en ce sens que j'ai pris connaissance avec beaucoup d'attention du rapport de Cees Veeman chargé par la Commission de la task force "marchés agricoles", et d'un certain nombre de ses revendications. J'ai par ailleurs rencontré l'auteur ou le président du groupe chargé d'écrire ce rapport.

Comme vous le relevez, Fedagrim annonce une baisse des ventes de machines de 15 % pour l'année 2016. Le secteur des machines agricoles espère donc beaucoup d'une reprise, même timide, dans les secteurs où elle a déjà été enregistrée. On le sait, les grandes foires agricoles de Gand, de Bruxelles ou de Libramont seront des moments importants pour la commercialisation et pour la rencontre entre professionnels, producteurs et entreprises de ce secteur économique.

Par ailleurs, vous savez que j'interviens extrêmement rarement dans les compétences de collègues d'autres niveaux de pouvoir, mais je dois bien constater, comme l'ensemble des agriculteurs, ainsi que les structures représentatives du monde agricole, que la gestion des aides à l'investissement au niveau régional wallon est vraiment une catastrophe. Depuis deux ans et demi, les retards s'accumulent. Toutes les semaines, des agriculteurs me contactent, même s'ils n'ignorent pas que ce n'est pas ma compétence, au niveau fédéral. Ils me disent: "Ce n'est pas possible, mon dossier, depuis un an, n'est pas traité"; ou: "Parce que je n'étais pas dans les 60 % permis par le budget wallon, mon investissement de 30 000 ou 40 000 euros est désormais perdu."

Il y a vraiment là un très gros problème. J'ai à plusieurs reprises écrit à mon homologue pour le lui signaler. Il y a eu une manifestation à Libramont, l'année dernière, et déjà précédemment. La Fédération wallonne de l'agriculture (FWA) est intervenue à plusieurs reprises. Il y a eu des améliorations, il faut le dire, mais elles sont timides. C'est un département qui a vraiment besoin d'une reprise en main. Il en va vraiment de la survie des exploitations.

Il y a bien sûr de l'investissement. Vous me donnez l'occasion de lancer un appel pour que nous puissions, à cet égard, nous ressaisir. Je suis bien sûr à disposition pour partager certaines suggestions en ce qui concerne le secteur agricole. Je suis par ailleurs à l'écoute de nos amis producteurs et agriculteurs.

Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse complète. Je vous rejoins sur de nombreux points. Je vous côtoie depuis trois ans. Vous n'avez jamais été donneur de leçons s'agissant de compétences qui ne sont pas les vôtres. Dans ce cas de figure, il me paraissait indispensable, à un moment donné, de relayer le problème des primes à l'investissement à la Région wallonne, qui est en lien direct avec ce secteur économique. Je vous remercie de l'avoir fait. Malgré tout, le secteur est vraiment dépendant de différents éléments que vous avez évoqués, comme l'embargo russe et la sécheresse. Les retombées économiques sont immédiates. Ce secteur, depuis quelques années, vit des crises successives et ne bénéficie pas, en Région wallonne, d'une politique très innovante. Nous le regrettons. Quand ce secteur primaire souffre, les secteurs