Madame la Ministre,

Les scientifiques danois de l'Université de Copenhague ont pu suivre un million de femmes âgées de 15 à 34 ans entre 2000 et 2013, ce qui donne un certain crédit à cette étude. Selon celle-ci, l'usage de la pilule contraceptive entraînerait un risque accru d'environ 30 % de contracter une dépression. Le risque accru culminerait même à 80 % pour les adolescentes, ce qui signifie que celles qui prennent ce contraceptif courraient un risque presque doublé de basculer dans cette maladie psychiatrique dont les conséquences peuvent être extrêmes.

Concrètement, sur le million de femmes suivies, 55 % prenaient un contraceptif hormonal. Sur ce pourcentage, l'étude rapporte que 133.000 participantes ont pris des antidépresseurs et 23.000 ont été diagnostiquées dépressives pendant le suivi. Pour donner quelques chiffres (sans être exhaustives), les femmes qui ont utilisé des contraceptifs oraux combinés avaient un risque augmenté de 23 % de recourir à un antidépresseur. Ce risque est augmenté de 34 % pour les femmes qui prennent des pilules progestatives. Et ça ne s'arrête pas là puisque le risque est augmenté de 80 % pour des combinés chez les adolescentes et de 120 % pour les pilules progestatives seules (les micro-dosées).

Bien sûr, il est connu que la contraception hormonale peut entraîner chez certaines consommatrices des changements d'humeur et un moral parfois en berne, mais le lien avec une dépression médicalement caractérisée n'avait jamais été établi avec autant de précision. Pour autant, cette recherche ne doit pas pousser les femmes à quitter l'usage de la contraception hormonale mais il faut être vigilant et rester attentif.

Cette étude est une étude plausible bien qu'elle ne prouve pas (et ne le prétend pas non plus) que la pilule joue un rôle dans le développement de la dépression mais elle pousse à approfondir les recherches en la matière.

Madame la Ministre,

§  Avez-vous pris connaissance de cette étude de l'Université de Copenhague? Quelle est votre position à ce sujet?

 

§  Pouvez-vous me dire si le sujet attire également l'attention au sein du corps médical belge?

 

§  Des recherches ont-elles déjà été menées sur un éventuel lien de cause à effet entre la pilule contraceptive et la dépression? Si oui, quels sont les résultats?

 

Réponse de Maggie De Block à la question n° 1865 de Caroline Cassart-Mailleux:

Mes services ont bien entendu pris connaissance de cette étude publiée par Skovlund et al.[1] Elle suggère que les femmes danoises qui utilisent actuellement ou ont utilisé récemment différents types de contraception hormonale, pourraient avoir un risque plus élevé d’être diagnostiquées comme dépressives ou de consommer des antidépresseurs.

Certains scientifiques[2] font valoir que cette étude n’a pas pu contrôler si des problèmes de dépression étaient observés chez les femmes qui utilisent des méthodes contraceptives non-hormonales. Or, cela permettrait de vérifier si l’association avec la dépression a un lien avec des facteurs communs à toutes les femmes qui utilisent une contraception, ou si elle est spécifique à la prise de contraceptifs hormonaux.

Secundo, les professionnels de la santé sont parfaitement conscients du fait que la prescription d’une contraception hormonale à une femme qui est par ailleurs en bonne santé, n’est pas un acte que l’on peut poser sans soumettre cette dernière à une anamnèse assez approfondie et à des examens cliniques et para-cliniques préalables. Les professionnels savent également que ces femmes doivent être suivies de manière périodique et ceci afin de dépister entre autres des problèmes au niveau cardio-vasculaire, des troubles thromboemboliques, des troubles de l’humeur ou des pathologies cancéreuses.

 

En effet plusieurs études ont été exécutées. En ce qui concerne l’étude de Keyes et al. par exemple, qui aboutit à des conclusions opposées à celle de Skovlund, l’idée est que les hormones impliquées dans certains contraceptifs auraient un effet positif sur la régulation de l’humeur, dans le sens d’un effet protecteur : symptomatologie dépressive moindre et moins d’idéation suicidaire. Mais d’un autre côté, il faut aussi tenir compte du fait que les femmes ayant une tendance dépressive sont moins enclines à opter pour l’utilisation prolongée de contraceptifs oraux. Cependant, l’effet protecteur des hormones contraceptives était maintenu même après avoir contrôlé ce paramètre dans leurs analyses. De nombreux autres facteurs potentiellement confondants ont également été contrôlés.  Il demeure cependant qu’il s’agit aussi d’une étude descriptive, basée uniquement sur des (jeunes) femmes sexuellement actives. 

N’oublions pas non plus la liberté et les possibilités que les contraceptives ont apportées. Il faut donc approcher cette problématique d’une manière assez nuancée.

 



[1] Skovlund CW, Mørch LS, Kessing LV, Lidegaard Ø. Association of hormonal contraception with depression. JAMA Psychiatry 2016

[2] Chelsea B. Polis, PhD, Senior Research Scientist, Guttmacher Institute and Ruth B. Merkatz, PhD, RN, FAAN, Director, Population Council