Monsieur le Ministre,

Une enquête a été réalisée au sein du parquet du Luxembourg par le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ) dans le but de comprendre pourquoi le taux d’occupation du cadre de magistrats est anormalement bas.

Selon les résultats de l’enquête menée par le CSJ, « (…) la désaffection du parquet du Luxembourg résulte essentiellement des problèmes de gestion interne, du climat général délétère ambiant lié à la désorganisation des services et du statut privilégié accordé à certaines personnes, du manque de considération à l’égard des personnes qui y travaillent et du manque de formation des stagiaires judiciaires, (…).»

Les rédacteurs du rapport notent que « l’attitude du Procureur du Roi a fait fuir quatre candidats, stagiaires judiciaires, à la fonction de substitut au parquet du Luxembourg (…). Cette attitude a conduit un magistrat à présenter sa démission.».

Le rapport ajoute qu’« en raison de la souffrance vécue par de très nombreux collaborateurs du parquet, une intervention psychosociale par un organisme spécialisé en la matière semble indispensable.»

Le Conseil Supérieur de la Justice termine sur une note peu encourageante. « Le CSJ craint l’incapacité du Procureur du Roi à pouvoir modifier son rapport aux autres malgré les initiatives qu’il a prises (…)  Aucun élément ne lui permet par ailleurs d’augurer dans le chef du Procureur du Roi une réelle capacité à se remettre en cause.»

En outre, le Conseil Supérieur de la Justice souligne également, dans son audit sur la  gestion  des  ressources  humaines  au  sein des tribunaux  de première instance de décembre 2017,  qu'un  instrument  commun,  fiable et  accepté  de tous visant à mesurer la charge de travail   devrait   conditionner   la   répartition   des ressources humaines à l'avenir.

Monsieur le Ministre,

Quelles suites entendez-vous donner à l’enquête du Conseil Supérieur de la Justice ? Une intervention psychosociale par un organisme spécialisé sera-t-elle réalisée ? Quelles sont les compétences et qualités attendues chez un Procureur du Roi ?

Quels sont les mécanismes d’évaluation des chefs de corps ? Quelles conséquences peuvent avoir ces évaluations ?

Comment les problèmes de gestion interne et les retards accumulés dans la gestion des dossiers seront-ils pris en main ? Quelles mesures doivent être mises en place ?

Pouvez-vous m’indiquer comment la charge de travail au parquet du Luxembourg est évaluée et plus précisément, sur quels indicateurs est-elle évaluée ?

 

Réponse de Koen Geens à la question n° 24593 de Caroline Cassart-Mailleux:

 

Le Ministre de la Justice a bien reçu le rapport du Conseil supérieur de la Justice du 14 mars 2018 relatif à l’enquête spéciale sur le fonctionnement du parquet du Luxembourg. Le Conseil supérieur de la Justice y intègre une série de constats sur le fonctionnement du parquet du Luxembourg et sur la méthode de direction par le procureur du Roi de ce parquet. Sur cette base, le Conseil émet plusieurs recommandations. Le Ministre prend cette problématique très au sérieux et en concertation avec les différentes parties concernées, il analysera sereinement comment parvenir à des solutions structurelles en vue d’améliorer le fonctionnement du parquet du Luxembourg. Le Ministre de la Justice ne souhaite pas anticiper cette concertation ou préjuger des conclusions et des actions qui s’ensuivront.

 

Les qualités attendues d’un procureur du Roi sont développées dans le profil établi par le Conseil supérieur de la Justice sur la base de l’article 259 bis-13 du Code judiciaire et publié au Moniteur belge du 6 novembre 2015.

 

Outre un entretien de suivi concernant la mise en place de son plan de gestion au cours de la deuxième année d’exercice de son mandat, un procureur du Roi est seulement évalué au terme de son premier mandat, plus précisément au cours de la cinquième année de son mandat selon les modalités déterminées par l’article 259novies du Code judiciaire.

 

Comme le rapport du Conseil supérieur de la Justice l’énonce, il n’existe pas aujourd’hui de base légale permettant de procéder à une évaluation intermédiaire d’un procureur du Roi, dans le courant de son mandat.

 

L’article 184 du Code judiciaire, inséré par la loi du 18 février 2014, auquel est fait référence, donne la possibilité aux Collèges d’émettre des recommandations et des directives contraignantes afin d’organiser un fonctionnement cohérent et une coordination adéquate de la gestion, soit au sein du Ministère public, soit au sein des Cours et tribunaux. Mais comme annoncé, le Ministre ne souhaite pas anticiper d’éventuelles démarches.

 

Le Ministre est pleinement convaincu qu’une gestion moderne de l’ordre judiciaire suppose que les moyens soient répartis équitablement, se basant sur une analyse actuelle et objective du flux entrant et du flux sortant. Le législateur a confié la méthode de mesure de la charge de travail respectivement au Collège des cours et tribunaux et au Collège du Ministre public. Il n’existe pas encore de résultats stabilisés permettant de connaitre cette charge de travail et de pouvoir en tirer des conclusions stratégiques.

 

Deux vacances des postes de magistrat pour le Luxembourg ont été publiées en novembre. Un nouveau plan de recrutement pour le siège et ministère public est en préparation. Le recrutement de juristes de parquet a été lancé.

Le premier tour de la sélection de juriste aura lieu début mai. Pour le recrutement des criminologues, un appel lancé en interne n’a pas abouti à de candidats pour le Luxembourg. Alors un appel aux candidats pour un recrutement externe sera lancé bientôt.