Madame la Ministre,

 

Il ressort de plusieurs rapports que la tuberculose est en recrudescence en Belgique. En effet, en 2016, et alors que la recherche d’un vaccin ou d’autres médicaments est « sévèrement sous-financé », l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait le nombre de personnes infectées à plus de 10 millions.

 

Toujours selon l’OMS, 1,8 million de personnes sont décédées de la tuberculose en 2015, soit 300.000 de plus qu’en 2014. De plus, deux personnes sur cinq n’ont pu être diagnostiquées à temps et ont donc pu répandre la maladie par voie aérienne.

 

Enfin, (et c’est interpellant!), selon un rapport sur la santé mené en milieu carcéral par une Députée wallonne, on estime que le risque de contracter la tuberculose est seize fois supérieur à l’intérieur d’une prison. Généralement, les prisons les plus touchées sont celles avec une population importante et un turn-over fréquent.

Je souhaite donc faire le point avec vous sur cette problématique.

Madame la Ministre,

§  Combien de cas de tuberculose recensez-vous en Belgique pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017?

 

§  Combien de cas de tuberculose recensez-vous au sein des prisons? Comment est-elle soignée en milieu carcéral et comment protéger les autres détenus pour éviter une épidémie?

 

§  Quelles sont les dernières avancées pour prévenir et lutter contre la tuberculose?

 

 

Réponse de Maggie De Block à la question n° 2415 de Caroline Cassart-Mailleux:

 

1. Le nombre de cas déclarés avoisine les 1.000 cas au cours des 4 dernières années. Il s’agit respectivement de:

 

ü  959 cas en 2014

ü  988 en 2015

ü  1.047 en  2016. 

 

Ces nombres correspondent à des incidences de 8,6, 8,8 et 9,3/100.000 habitants. Il y a donc une  augmentation non significative  du nombre de cas et de l’incidence en 2015 et 2016 par rapport à 2014; elle est à mettre en relation avec l’afflux de réfugiés à partir de la mi-2015. Les résultats de 2017 sont encore provisoires mais la tendance est à la baisse par rapport à 2016.

 

2.   En 2014, 35 cas de tuberculose ont été déclarés dans les prisons belges ce qui représente 3,6% du nombre total de cas déclarés au cours de cette année. Depuis, ce nombre a diminué: 12 cas en 2015 (1,2 %) et 19 cas en 2016 (1,8 %). Les données de 2017 ne sont pas encore disponibles.

 

3.  L’OMS soutient l’élimination de la TBC en 2035. Pour arriver à cet objectif ambitieux, elle préconise de renforcer les stratégies existantes au niveau mondial et d’innover en termes de vaccins, traitement et diagnostic.

 

En ce qui concerne les pays à basse incidence (moins de 10 cas/100.000 habitants), arriver à éliminer la tuberculose ( moins de 1 cas/million) dans ce délai semble utopique. Tout au plus ces pays parviendront au stade de préélimination (moins de 10 cas/million d’habitants) à condition d’adapter leurs stratégies et faire en sorte que leur incidence annuelle diminue plus vite qu’elle ne le fait actuellement. Ces adaptations devront viser non seulement la diminution de la transmission des bacilles tuberculeux mais aussi la limitation du réservoir de futures maladies en agissant sur les personnes au stade de l’infection latente.

 

Avec une incidence de moins de 10/100.000 depuis 2007,  la Belgique est considérée comme un pays à basse incidence. La décroissance annuelle de l’incidence y est moins importante que prévu (entre 2-3% au cours des 15 dernières années)  et selon les estimations de l’OMS,  il faudrait que cette diminution  atteigne en moyenne 20%/an à partir de 2015 pour arriver à l’élimination en 2035. Il s’agit d’un challenge  tout à fait irréaliste même si des efforts particuliers sont déployés.   

 

Des avancées ont malgré tout été réalisées même si leur impact n’est pas toujours visible à court terme  du fait notamment que la tuberculose est une maladie dont l’évolution dépend de nombreux déterminants qu’il est difficile de contrôler (paupérisation, afflux de réfugiés …).  Elles se sont situées plus particulièrement dans 2 domaines:

 

 

1.      L’amélioration du diagnostic de la tuberculose:

 

a.      Via l’utilisation ciblée de nouveaux tests de biologie moléculaire plus rapides qui permettent le diagnostic de tuberculose et de résistance à la rifampicine en 2 heures. 

b.      En maintenant un niveau d’expertise suffisant parmi le corps médical (guidelines, formation).

c.       En organisant des dépistages ciblés dans des populations à plus haut risque (contacts, demandeurs d’asile, prisonniers) pour détecter activement  et plus précocement la maladie. Pour les publics plus marginalisés, en mettant en place des approches alternatives et concertées  basées  sur la sensibilisation des partenaires afin qu’ils référent en présence de symptômes et de risques particuliers ( checklist).

 

2.      L’amélioration du traitement de la tuberculose:

 

a.      En informant le corps médical sur les schémas thérapeutiques evidence-based. Par ailleurs, la création d’un consilium composé de médecins et laboratoires référents a permis à la Belgique  de se doter d’un organe d’avis  en matière de prise en charge de la tuberculose multirésistante. Celui-ci est notamment le garant de la bonne utilisation de nouveaux médicaments tel que le delamanid –Sirturo ® créé par un laboratoire belge et mis sur le marché en 2014.

b.      En veillant à limiter les abandons de traitement dont la proportion est non négligeable en Belgique (11 % en 2016) et est surtout importante en Région de Bruxelles- Capitale (20 % en 2014).  Pour se faire 2 initiatives sont à pointer du doigt: d’une part, un projet financé par l’INAMI et géré par la Fondation contre la tuberculose (BELTA) qui permet une évaluation systématique du risque de non compliance chez tout cas de tuberculose nouvellement diagnostiqué avec pour corollaire une prise en charge holistique et adaptée du patient par un réseau de partenaires. D’autre part, un projet bruxellois géré également par BELTA et financé par Action Damien permet la prise en charge ambulatoire de sans-abri atteints de tuberculose dès leur sortie d’hospitalisation. Il consiste à donner  des incentives (chèques sociaux, tickets de transport et hébergement en maison d’accueil) pour améliorer la compliance au traitement.

c.       En ouvrant l’accès aux soins pour tout malade atteint de tuberculose via le projet BELTA-TBnet qui existe depuis 2005. Ce projet est financé par l’INAMI et est géré par BELTA. Il permet le financement de manière résiduaire du traitement, d’examens de diagnostic,  de suivi et de consultations. Il cible plus particulièrement les patients multirésistants ou sans couverture sociale ou incapables de payer le ticket modérateur au cours de la phase ambulatoire du traitement. Il est considéré comme une bonne pratique par l’OMS. 

 

Une meilleure prise  en charge de l’infection tuberculeuse latente est nécessaire mais reste un challenge. 

L’OMS dans ses dernières recommandations de 2015, révisées en 2018, insiste sur le fait de limiter le réservoir de futures tuberculoses en dépistant les personnes infectées dans certains groupes de population et en les traitant de manière préventive pour limiter le développement de la maladie.  Se basant sur les évidences, de nouvelles guidelines sont en voie de finalisation en Belgique; elles sont destinées aux professionnels de la santé des secteurs curatif et préventif concernés par la problématique.