Monsieur le Ministre,

Ces sept dernières années le nombre de faillites dans le secteur de la construction a pratiquement doublé, passant de 1.042 faillites en 2007 à 2.030 aujourd’hui. La Confédération construction estime que si les pertes d’emplois se poursuivent au même rythme, c’est 40.000 emplois qui auront disparu d’ici 2019. Outre l'absence de croissance, ce sont les entreprises et travailleurs étrangers sans cesse plus nombreux qui suscitent de graves problèmes de concurrence sur le marché belge. En effet, le secteur de la construction est, de par ses caractéristiques, particulièrement exposé au risque de fraude sociale.

Selon l’ONSS, le nombre de travailleurs étrangers salariés dans le secteur de la construction en Belgique a quadruplé depuis 2007. En effet, en 2007, 23.962 salariés étrangers officiaient dans le secteur de la construction contre 101.172 travailleurs venant prester en Belgique aujourd’hui. Dans un secteur qui compte en tout 200.000 travailleurs, cela représente donc plus de 50% des employés.

Lors de votre visite à Batibouw le 26 février dernier, vous avez réaffirmé votre soutien au secteur de la construction. Vous vous êtes aussi engagé à poursuivre la lutte contre la fraude sociale en transposant rapidement la nouvelle directive d’exécution, afin de contrer l’usage illicite de la technique du détachement. Selon Robert de Mûelenaere, administrateur général de la Confédération Construction, le problème essentiel est que nos  inspections sociales manquent de moyens, notamment d'accords bilatéraux, pour obtenir des informations sur ce type de pratiques. Le plan d’action 2015 de lutte contre la fraude sociale et le dumping social précise que vous travaillerez sur de nouveaux accords de coopération avec des « pays à risque », en collaboration avec le Secrétaire d’Etat Tommelein et les Ministres compétents De Block et Borsus.

Dès lors, Monsieur le Ministre,

§  Disposez-vous d’un calendrier au sujet de ces accords de coopération et d’informations supplémentaire sur leur contenu ? 

 

§  Le plan d’action 2015 stipule aussi que vous plaiderez pour l’instauration d’un salaire

minimum européen de référence interprofessionnel ou sectoriel dans chaque État membre : avez-vous déjà des pistes sur la façon de calculer ce salaire minimum ?

 

§  Fin Mars, la Commission européenne a décidé d'assigner la Belgique devant la Cour de Justice de l'Union européenne concernant un dispositif légal introduit par la loi anti-abus de 2012. Si la Belgique était finalement condamnée par la Cour de Justice, disposons-nous d’alternative(s) à ce mécanisme anti-abus ?

 

Kris Peeters, ministre: Monsieur le président, chers collègues, comme indiqué dans l'accord de gouvernement, la lutte contre le dumping social est une priorité du gouvernement. Pour ce qui concerne les mesures concrètes qui seront prises dans ce cadre, je renvoie au plan d'action 2015 de lutte contre la fraude sociale et le dumping social approuvé lors du Conseil des ministres du 3 avril 2015.

Dans ce contexte, il importe de souligner que nous sommes en plein processus de transposition de la directive d'exécution dans notre législation nationale, ce qui entraînera une amélioration et davantage d'uniformité dans la mise en oeuvre, l'application et le maintien de la directive relative au détachement. Les projets de textes concernés seront soumis à court terme aux partenaires sociaux au sein du Conseil national du travail. À ce sujet, le gouvernement entend aussi poursuivre la mise en oeuvre des engagements pris dans le cadre du sommet social Benelux 2014. Un plan d'approche a été établi, son suivi sera assuré dans le courant de 2015. Dans ce contexte, il s'agit notamment d'échange d'informations sur des cas de fraude et de dumping social, de coopération et de soutien transfrontaliers, du partage de bonnes pratiques concernant les contrôles d'identité sur le lieu de travail et d'instruments de lutte contre le dumping social.

Madame Cassart, vous me demandez si je dispose d'un calendrier relatif aux accords de coopération à conclure avec les pays à risque. Je dois vous répondre que cela n'est pas encore le cas à l'heure actuelle. Mais le secrétaire d'État, Mme De Block, M. Borsus et moi-même y travaillons. J'espère pouvoir vous donner des chiffres aussi vite que possible. De plus, nous comptons également stimuler la conclusion de conventions de partenariat avec des secteurs vulnérables à la fraude. Au terme de ces conventions de partenariat, les parties signataires peuvent s'engager à sensibiliser leur organisation sœur européenne à la problématique de la concurrence déloyale en matière de conditions salariales et de travail. Dans ce contexte, cette convention peut agir comme catalyseur pour tous les acteurs du secteur. Votre deuxième question se rapporte à l'instauration d'une norme minimale commune sur le plan européen en matière salariale. Cela permettrait de contribuer à la lutte contre le dumping social. De ce fait, il deviendrait en effet plus difficile de faire de la concurrence sur la base des bas salaires raised to the bottom. Pour ce qui est des pistes éventuelles pour le calcul de ce salaire minimum européen de référence, il faudrait que les modalités de chaque État membre soient respectées. En effet, tous les pays ne connaissent pas le système du salaire minimum nominal fixé par les conventions collectives de travail, comme c'est le cas en Belgique. Il n'est pas non plus possible de fixer un seul montant précis comme salaire minimum européen global. Les salaires au sein de l'Union européenne diffèrent trop pour rendre cela possible. Comme vous le savez, ma collègue la commissaire européenne Marianne Thyssen est en charge de cette compétence au sein de la Commission européenne. Je souhaite souligner que, dans l'article 153, dernier alinéa, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les salaires sont explicitement tenus en dehors de la compétence du niveau européen. Une éventuelle introduction d'un salaire minimum européen de référence nécessiterait une modification du traité, ce qui n'est pas du tout évident. Enfin, quant à savoir s'il existe des alternatives au dispositif légal anti-abus introduit par la loiprogramme du 27 décembre 2012 et si la Belgique a finalement été condamnée par la Cour de Justice européenne, la disposition anti-abus signifie que, si quelqu'un doit très clairement être soumis au régime belge conformément aux directives européennes mais qu'à la suite d'une construction de détachement, il reste soumis à un régime dans un autre État membre, on peut parler d'un abus et la sécurité sociale belge est d'application. Le gouvernement est d'avis que le droit belge n'est pas en contradiction avec les directives européennes et, en cas de condamnation par la Cour de Justice européenne il examinera à ce moment si et comment la

législation belge doit être adaptée.

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Caroline Cassart-Mailleux (MR): Monsieur le ministre, je vous remercie pour le caractère tout à fait complet de votre réponse. Vous avez les cartes en mains. Ce sera un travail de longue haleine, car il n'est pas aussi simple. Tant avec Mme Thyssen qu'avec l'ensemble du

gouvernement, nous avons des pistes pour avancer et le secteur est vraiment demandeur. Les chiffres parlent d'eux-mêmes en la matière. Je vais vous laisser travailler et nous reviendrons ultérieurement sur ce dossier.